
Voies de femmes Études, travail, enfants et conjoint, les morceaux du casse-tête de la vie sont difficiles à agencer, même pour des femmes de sciences par Jean Hamann Les résultats préliminaires d'une étude menée par Esther Déom, du Département des relations industrielles, et Hélène Lee-Gosselin, du Département de management, révèlent que les mesures de conciliation travail-famille sont mal connues par les femmes qui occupent des postes supérieurs dans les organisations. De plus, ces femmes hésiteraient à se prévaloir des mesures existantes pour ne pas nuire à leurs chances d'avancement et par crainte de la perception qu'en auraient leurs collègues de travail. "Ceci démontre bien que le nombre de mesures existantes ne garantit pas que la situation des femmes s'améliore et qu'en matière de conciliation travail-famille, le lieu d'intervention ne doit pas être limité à l'entreprise", a commenté Esther Déom, à l'occasion d'un midi-rencontre présenté le 27 octobre par la Chaire CRSNG/Alcan pour les femmes en sciences et génie au Québec.
Une trentaine de femmes s'étaient rendues dans les locaux de l'Institut national d'optique (INO) pour participer à cette rencontre qui abordait le sujet du délicat exercice funambulesque auquel se livrent les femmes qui choisissent de conjuguer vie de famille et études/travail. Parmi elles, une dizaine d'étudiantes enceintes ont écouté avec intérêt le témoignage de deux chercheures sur cette question jamais résolue et toujours déchirante. Surprise, surprise! Ève Langelier a appris qu'elle était enceinte pendant ses études de doctorat en génie à Polytechnique. Depuis un an, elle faisait la navette entre la Métropole et la Vieille capitale chaque fin de semaine pour y retrouver son conjoint, qui avait obtenu un poste à Québec. "Ce n'était pas prévu comme ça, alors j'ai pris les bouchées doubles pour finir le plus rapidement possible parce que je voulais que nous soyons ensemble pour la fin de la grossesse", a-t-elle raconté.
Après un congé maternité au cours duquel elle rédige sa thèse, la jeune chercheure part à la chasse à l'emploi. Les choses s'avèrent plus compliquées que prévues, surtout lorsqu'un employeur potentiel décide de ne pas l'embaucher après avoir appris qu'elle avait l'intention d'être mère de nouveau. "Je pense que je suis tombée enceinte de mon deuxième enfant le soir même, en réaction à cette attitude", avoue-t-elle à moitié sérieuse. Elle choisit alors de retourner à la recherche universitaire et obtient une bourse post-doctorale, dont elle retarde l'entrée en vigueur le temps de vivre cette deuxième grossesse inattendue.
Enfin, en juin dernier, elle acceptait un poste de professeur à l'Université de Sherbrooke. "Depuis le début du trimestre, j'ai travaillé tous les soirs et toutes les fins de semaine, raconte-t-elle. À la maison, on tente encore de s'organiser. Finalement, même s'il y a eu des périodes plus difficiles, je suis superheureuse de la façon dont les choses se sont passées. Sinon, il y a toujours quelque chose qui fait que ce n'est pas le bon moment d'avoir un enfant." Deux c'est mieux! Marcia Vernon, responsable du programme de biophotonique à l'INO, a attendu sur le tard pour bâtir sa famille. Les choses allaient rondement pour elle et son mari, également chercheur à l'Institut. "Nous avions nos carrières, de l'argent, des activités, et puis un jour, vers la fin de la trentaine, nous nous sommes demandé ce que nous voulions faire du reste de nos vies. C'est là que nous avons décidé d'avoir des enfants."
Malheureusement, la nature refuse de collaborer et le couple se résout à l'adoption. Aussitôt les démarches complétées, la chercheure apprend qu'elle est enceinte! "À 40 ans, nous nous sommes soudainement retrouvés avec deux enfants qui avaient sept mois de différence!", raconte-t-elle, encore étonnée du revirement de situation. "Ça faisait tout à coup beaucoup de monde dans notre petit condo."
Sa courte mais intense expérience de la conciliation travail-famille lui a appris une chose. "C'est vous qui devez prendre la décision du moment où vous voulez des enfants, du moment où vous reprenez votre travail et de la façon dont vous partagez votre temps entre le travail et la famille. Personnellement, je n'apporte jamais mon portable à la maison. Au bureau, j'ai appris à déléguer. Le travail n'est plus le seul but de ma vie."

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