Le goût du Québec
Nathalie Havet remporte le Prix d'excellence
de la Faculté des sciences sociales dans la catégorie
«Meilleure thèse»
Nathalie Havet aurait pu continuer longtemps à couler
des jours heureux à l'Université d'Orléans
en travaillant sur son doctorat. Un jour cependant, son destin
a croisé Guy Lacroix, professeur au Département
d'économique de l'Université Laval venu donner
quelques cours de maîtrise dans cette université
française, et sa vie a pris une nouvelle direction. Quelques
mois plus tard, la jeune étudiante bouclait ses bagages
et prenait l'avion pour poursuivre son doctorat en économique
au Québec, sous la tutelle conjointe de sa directrice
française Catherine Sofer et de Guy Lacroix. Cinq ans
plus tard, la jeune diplômée a choisi de rester
dans sa patrie d'adoption. Elle y a même trouvé
un emploi, ainsi qu'un poste pour son conjoint français.
«Je ne crois pas que j'aurais terminé aussi rapidement
mon doctorat si j'étais restée en France, remarque
la jeune fille. À l'Université Laval j'avais un
bureau avec mon propre ordinateur très performant pour
traiter les nombreux calculs statistiques nécessaires
à ma thèse, et surtout je bénéficiais
d'un très bon encadrement.» Arrivée en août
1998 à Québec, l'étudiante s'est rapidement
intégrée à la vie du Département
d'économique qu'elle qualifie de très chaleureuse.
Épaulée par une équipe de professeurs très
disponibles, elle a mis les bouchées doubles pour terminer
rapidement les cours de maîtrise qui lui manquaient, avant
de retourner un an à Orléans pour continuer sa
thèse car elle voulait avoir un doctorat valable aussi
bien en France qu'au Québec.
À son retour à l'Université Laval en septembre
2000, Nathalie Havet s'est lancée dans la partie purement
statistique de sa thèse. Depuis plusieurs années,
l'étudiante s'intéressait aux différences
salariales entre hommes et femmes en France, et elle cherchait
à comprendre l'impact d'une loi française votée
en 1983 pour favoriser un accès plus équitable
à la formation professionnelle, aux promotions, ainsi
que l'égalité des salaires. «J'ai constaté
que la législation avait peu changé les choses
car il existe peu de sanctions précises pour les entreprises,
indique l'étudiante.»
Conciliation travail-famille
Sa thèse de doctorat examine donc la délicate
question de l'inéquité salariale sans forcément
accuser les employeurs de tous les maux, ni les excuser totalement
d'ailleurs, car les salariés effectuent également
des choix personnels tout au long de leur carrière. «Dès
leur entrée sur le marché du travail, les femmes
ont plus de difficultés à trouver un emploi, ou
obtiennent des postes pour de plus courtes périodes, remarque
Nathalie Havet. Par la suite, elles bénéficient
moins des formations offertes dans l'entreprise et grimpent plus
difficilement dans la hiérarchie par rapport à
leurs collègues masculins». Selon la jeune fille,
ces différences s'expliquent en grande partie par le fait
que les employeurs ont du mal à évaluer la productivité
des femmes. Souvent, bien sûr, ils craignent qu'elles n'interrompent
leur carrière pour élever leurs enfants. Cependant
une partie du problème viendrait aussi des difficultés
de communication entre les femmes et leurs patrons masculins
car ces derniers pensent parfois à tort que leurs employées
s'impliquent moins dans leur travail. De leur côté,
les travailleuses choisissent souvent de réduire leur
semaine de travail pour assumer leurs nombreuses tâches
domestiques.
Pour rétablir l'équité, il faudrait donc
selon Nathalie Havet se doter d'une législation plus musclée,
mais aussi que les murs évoluent. «La responsabilité
de l'éducation des enfants revient encore aux femmes,
et les hommes qui restent à la maison sont encore mal
vus», constate-t-elle. Son travail très fouillé
a valu à cette brillante étudiante de gagner récemment
le Prix d'excellence de la Faculté des sciences sociales
dans la catégorie "Meilleure thèse".
Désormais analyste économique à Montréal
pour un groupe américain, elle applique au quotidien les
méthodes de recherche acquises durant sa scolarité
puisqu'elle fournit des travaux aussi bien à des entreprises,
qu'au gouvernement ou à des experts économistes
témoignant lors de procès commerciaux.
PASCALE GUÉRICOLAS
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