Frivoles les hommes?
Le plus faible attachement amoureux des hommes
n'est pas universel et les Québécois font partie
des exceptions!
"Les hommes sont indépendants." "Les
hommes ont peur de l'intimité." "Les hommes
ne dévoilent pas leurs émotions." "Les
hommes refusent de s'engager émotivement." Au tribunal
de l'amour, l'homme est accusé de tous les maux. D'une
part, par l'implacable expérience personnelle féminine.
D'autre part, par des études produites aux États-Unis,
en Europe de l'Ouest et en Australie qui appuient la thèse
d'un moins grand engagement amoureux chez l'homme. Peut-on pour
autant conclure que la frivolité est un trait universel
du genre masculin? Que le non-engagement amoureux est à
l'homme ce que la rayure est au zèbre?
Oui et non, conclut une méga-étude, menée
dans 62 régions culturelles de 56 pays, à laquelle
a participé Marguerite Lavallée de l'École
de psychologie de l'Université Laval. Cette vaste enquête,
rendue publique dans un récent numéro de la revue
scientifique Personnal Relationships, a mis à contribution
un groupe de plus de 100 chercheurs à travers le monde.
Plus de 17 800 participants, la plupart étudiants universitaires,
ont complété un questionnaire standard - qui a
dû être traduit en 30 langues pour l'occasion - servant
à mesurer les différences dans l'attachement amoureux
entre hommes et femmes.
Des perles rares
Premier grand constat de l'enquête: dans certains coins
du monde, les hommes s'engagent tout autant que les femmes en
amour. Mais où donc se cachent ces perles rares?, demanderont
certaines. Pas plus loin qu'au Québec et dans quelques
autres pays, révèle l'étude.
Deuxième constat, l'engagement amoureux varie beaucoup,
chez les hommes comme chez les femmes, d'un pays à l'autre.
Ainsi, le plus fort score de non-engagement masculin revient
au Bangladesh (4,92) et le plus bas à l'Argentine (2,76).
Chez les femmes, l'Éthiopie vient au sommet (5,00) et
l'Argentine (2,21) en bas de liste. La variabilité dans
l'engagement amoureux à travers le monde - mesurée
par l'écart-type - est le même pour chaque sexe
(1,80). Les chercheurs ont aussi observé une très
forte corrélation entre l'indice de non-engagement des
hommes et des femmes d'un même pays (r= +0,87).
L'écart dans le non-engagement amoureux n'est statistiquement
significatif que dans 37 % des régions culturelles étudiées,
et dans tous les cas, les "fautifs" sont les hommes.
Partout ailleurs, les différences sont petites ou modérées.
Dans 11 des pays étudiés, dont le Québec,
la tendance est même du côté d'un moins grand
engagement amoureux de la femme.
Les auteurs concluent donc que le non-engagement amoureux masculin
n'est pas aussi universel qu'on le prétendait et que certains
facteurs en atténuent l'expression. "Bien que toute
conduite humaine contienne un substrat biologique, il est clair
que des facteurs sociaux (valeurs, normes, modes de vie) et environnementaux
(climat, ressources matérielles) y jouent aussi un rôle
très important, voire le plus important, dans sa manifestation",
commente Marguerite Lavallée.
Société distincte?
Les Québécois obtiennent un score de non-engagement
de 3,59, nettement sous la moyenne mondiale masculine de 3,88,
alors que les Québécoises, avec 3,62, sont dans
la bonne moyenne des femmes (3,55). Cette situation tranche avec
le Canada anglais où l'écart entre les hommes (4,22)
et les femmes (3,66) est prononcé. "Au Québec,
certains faits historiques récents -la Révolution
tranquille des années 1960, l'émancipation de la
femme et le discours parallèle prônant l'égalité
des sexes, l'éclatement des valeurs religieuses -font
que les Québécoises se montrent plus "libres"
que les Québécois dans l'expression d'une sexualité
"conquise", alors que ces derniers montreraient plutôt
un certain désarroi, les rendant moins frivoles, face
à cette nouvelle dynamique", avance Marguerite Lavallée.
La psychologue pousse son analyse encore plus loin pour expliquer
la tendre guerre des sexes. "Lorsque les femmes se montrent
fidèles, les hommes, en plus grande confiance, osent se
montrer plus détachés. Par contre, lorsque la femme
s'affiche comme plus libre, peut-être y a-t-il, de la part
de l'homme, une recherche plus grande d'attachement, les rendant
à leur tour, plus fidèles", spécule-t-elle.
JEAN HAMANN
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