
Dessine-moi une maison
Des étudiants à la maîtrise
en architecture planchent sur des prototypes d'habitations pour
des Innus de la Côte-Nord
C'est dans une camionnette, alors qu'une tempête de
neige sévissait sur la réserve de Ushat, qu'Émilien
Vachon, directeur de l'École d'architecture de l'Université
Laval et Rosario Pinette, chef de bande de la communauté
Innue de Uashat mak Mali-Untenam à Sept-Îles, ont
conclu par une poignée de main l'entente de partenariat
leur permettant de travailler ensemble. Deux ans plus tard, une
soixantaine d'habitants de ce territoire, dont une quarantaine
d'élèves du secondaire, ont fait le voyage jusqu'à
l'École d'architecture dans le Vieux-Québec. Pendant
que les adultes discutaient autour des prototypes de maisons
innues conçues par des étudiants à la maîtrise,
dont certaines seront construites à Uashat et Mani-Utenam
au printemps 2004, les jeunes s'initiaient à l'architecture,
grâce à des cours spécialement préparés
à leur intention, une façon de susciter de futures
vocations.
Quiconque a déjà parcouru les rues rectilignes
d'une réserve amérindienne, bordées de maisons
individuelles dont les plans proviennent la plupart du temps
de la Société canadienne d'hypothèques et
de logement (SCHL) sait ce que la monotonie signifie. "Nos
maisons sont toutes semblables: le revêtement, la forme,
les intérieurs tout en gyproc. En plus, elles ont
un sous-sol que nous n'habitons pas et on manque d'espace pour
nos activités traditionnelles", déplore Jean-Luc
Vollant, un habitant d'Uashat. Quatre équipes de deux
étudiants à la maîtrise travaillent donc
depuis septembre sur des prototypes d'habitation répondant
mieux aux besoins des Innus, dans le cadre de l'atelier de design
"Habitats et cultures", donné par André
Casault. Les plans de deux de ces maisons d'environ 120 000 $
vont bientôt être choisis par la communauté
afin que les équipes locales de construction les réalisent.
"La maison innue sédentaire n'existe pas puisque
ce peuple était nomade jusqu'à il y a cinquante
ans, explique André Casault. Même si, aujourd'hui,
ils veulent habiter dans des maisons et non sous la tente, celles-ci
doivent refléter leur culture."
Et le caribou dans tout ça?
Depuis septembre, le groupe d'étudiants à la
maîtrise a rencontré quelques familles témoins
de la communauté innue afin de comprendre leurs désirs
particuliers en matière d'habitation. Plusieurs demandes
reviennent régulièrement, comme le fait de disposer
d'une grande pièce à vivres à aire ouverte,
et d'un endroit pratique pour le débitage d'animaux tués
à la chasse. "Nous avons prévu un cabanon
chauffé pour faciliter le dépeçage du caribou,
relié à l'habitation principale par une structure
en toile et en bois rappelant la tente traditionnelle",
expliquent Mélissa Tremblay et Véronique Breton.
Un autre projet met l'accent sur l'orientation
des fenêtres afin rapprocher nature et résidence
et faire en sorte que cette dernière profite d'un maximum
d'ensoleillement tout en la protégeant des vents dominants.
De plus, un cabanon intégré au reste du bâtiment
se transforme aisément en salon d'été à
la belle saison et agrandit la résidence. |
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Invitées à commenter les prototypes, les
familles innues, ainsi que des représentants des constructeurs,
se penchent sur les plans et maquettes en questionnant les étudiants.
Une telle s'inquiète du manque de rangement, celle-ci
réclame un espace consacré aux manteaux et aux
chaussures, en particulier l'hiver, tandis qu'un autre s'interroge
sur l'isolation de l'annexe. Attentifs, les concepteurs prennent
note des suggestions. D'ici quelques semaines, les différentes
équipes vont proposer de nouveaux plans aux Innus qui
décideront ensuite de la forme définitive de leur
résidence. D'autres étudiants pourraient ensuite
suivre la construction des maisons au printemps, puis rencontrer
leurs premiers occupants. L'École d'architecture caresse
par ailleurs d'autres projets avec la communauté de Uashat
mak Mani-Utenam dont celui de collaborer à l'agrandissement
de la réserve actuelle.
PASCALE GUÉRICOLAS
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