
Se détendre à la pharmacie?
Une intervention bien structurée des
pharmaciens auprès des hypertendus produirait d'importants
bénéfices
On trouve de tout dans les pharmacies, même un ami
qui prend la tension artérielle! Cette pratique, de plus
en plus courante dans les pharmacies de quartier, apporterait
d'importants bénéfices aux patients hypertendus,
lorsque l'intervention est faite dans un cadre bien structuré.
C'est ce qui se dégage d'un projet pilote de neuf mois,
mené avec la collaboration d'une centaine de patients
hypertendus dans neuf pharmacies de la région de Québec.
Isabelle Chabot, Jocelyne Moisan et Jean-Pierre Grégoire,
de la Faculté de pharmacie, et leur collègue de
la Faculté de médecine, Alain Milot, ont comparé
l'évolution de l'état de santé de 41 sujets
hypertendus qui ont fait l'objet d'un suivi rigoureux dans quatre
pharmacies de quartier à celui de 59 sujets qui ont eu
droit au suivi habituel dans cinq autres pharmacies. Les chercheurs
avaient mis à la disposition des pharmaciens du premier
groupe un logiciel d'aide à la décision servant
à mieux structurer leur intervention auprès des
clients hypertendus.
Les résultats rapportés par les chercheurs dans
un récent numéro de la revue scientifique The
Annals of Pharmacotherapy révèlent un effet
très positif de l'intervention sur les sujets du groupe
expérimental puisque leur tension artérielle a
baissé de huit points en moyenne alors que celle du groupe
témoin demeurait stable. De plus, le pourcentage de cas
où l'hypertension était sous contrôle est
passé de 42 % à 69 % dans le groupe qui profitait
de l'intervention structurée. Les chercheurs rapportent
également une hausse de l'observance du traitement pharmacologique,
qui est passée de 61 % à 92 %, ainsi que de la
pratique régulière d'activités physiques
(recommandée aux hypertendus), qui a bondi de 42 % à
85 %. Ces effets positifs ne se sont pas manifestés chez
les sujets du groupe "faibles revenus", rapportent
toutefois les chercheurs.
L'outil informatique s'est donc avéré utile, même
si peu de pharmaciens en ont exploité toutes les possibilités,
souligne Jocelyne Moisan. "Si on devait généraliser
le recours à ce logiciel, on pourrait le simplifier et
obtenir les mêmes effets positifs pour les patients",
fait-elle valoir.
La prise de la tension artérielle dans les pharmacies
a commencé il y a une dizaine d'années et elle
s'est intensifiée depuis cinq ans. Les pharmaciens ont
l'opportunité d'assurer le suivi des patients hypertendus
lorsque ceux-ci renouvellent leur prescription de médicaments.
Cependant, la plupart des programmes de suivi ajoutent une charge
de travail considérable aux pharmaciens, ce qui rend difficile
leur intégration au travail quotidien, d'où l'intérêt
d'un outil informatisé d'aide à la décision
qui allégerait ce fardeau. "À la lumière
des résultats obtenus dans notre étude, un tel
outil mériterait d'être mis à la disposition
des pharmaciens", estime Jocelyne Moisan. Soulignons que
l'hypertension touche plus de 20 % de la population nord-américaine.
JEAN HAMANN
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