
Le ciel ou l'enfer
Le succès ou l'échec d'une mission scientifique
spatiale repose en partie sur les épaules de Pierre Tremblay
Douze août, 19 h. Base militaire de Vandenberg en Californie.
Un avion Lockeed-1011 de la NASA décolle, grimpe à
13 000 mètres d'altitude et largue une fusée Pegasus
XL. Pendant cinq longues secondes, la fusée tombe en chute
libre puis une éblouissante lumière confirme la
mise à feu du premier étage. Propulsé à
une vitesse supersonique, l'engin atteint, en quelques minutes
à peine, une altitude de 650 kilomètres. Arrivé
à destination, il libère sa précieuse cargaison:
le satellite canadien SCISAT-1.
Au même moment, à des milliers de kilomètres
de là, sur un lac isolé de la Réserve faunique
des Laurentides, il fait déjà nuit. Le professeur
Pierre Tremblay scrute le ciel d'un oeil inquiet. "J'espérais
que les traînées de lumière que j'observais
dans le ciel étaient des étoiles filantes et pas
SCISAT-1 en difficulté, confesse le professeur du Département
de génie électrique et de génie informatique.
Le Canada ne lance pas souvent de satellites scientifiques et
comme il investit 60 millions dans ce projet, il faut que ça
marche."
Si ce chercheur du Centre d'optique, photonique et laser se préoccupe
tant du déroulement de cette mission, c'est qu'il a contribué
étroitement au design du principal instrument scientifique
installé à bord du satellite, un spectromètre
à transformée de Fourier. Cet appareil permettra
à une équipe de chercheurs canadiens et étrangers
d'étudier la réduction de la couche d'ozone au-dessus
de la Terre, et particulièrement au-dessus de l'Arctique
canadien. L'appareil mesurera la composition gazeuse de l'atmosphère
terrestre en utilisant le Soleil comme source de lumière.
"Le satellite effectue 15 orbites terrestres chaque jour
de sorte qu'il assiste à 30 couchers et levers de Soleil
en 24 heures", explique-t-il. C'est pendant la courte période
où la lumière du Soleil traverse la mince couche
de l'atmosphère que le spectromètre recueillera
les précieuses données espérées par
les chercheurs.
On veut des résultats
Responsable principal de l'instrumentation pour la mission,
Pierre Tremblay a conçu le design du premier prototype
du spectromètre en 1998, avec la collaboration de la compagnie
ABB de Québec et des étudiants-chercheurs Jérôme
Genest, François Bouffard et Caroline Stéphanie
Turcotte. "Il fallait démontrer à l'Agence
spatiale canadienne qu'il était possible de fabriquer
un instrument qui répondait aux exigences de notre projet
tout en étant suffisamment petit pour être installé
à bord du satellite SCISAT-1." ABB a construit l'appareil
final qui gravite maintenant au-dessus de nos têtes. "L'Agence
spatiale canadienne exige que la mission produise des résultats
pendant au moins deux ans et aucun instrument ne doit flancher
avant cinq ans", précise Pierre Tremblay.
Bien que SCISAT-1 soit maintenant en orbite autour de la Terre,
le test ultime reste encore à venir. "L'Agence spatiale
canadienne doit d'abord s'assurer que tous les systèmes
du satellite fonctionnent selon les plans, explique Pierre Tremblay.
Dans quelques semaines, lorsque tout sera stabilisé, le
spectromètre sera allumé. C'est là que nous
saurons si tout marche comme prévu. Nous avons fait des
tests sur Terre, mais jamais le spectromètre n'a reçu
un signal aussi intense que la lumière du Soleil dans
l'espace. J'ai hâte. J'ai très hâte."
JEAN HAMANN
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