Les longues heures
«Mondes et matières», de Thérèse
Guy, à la Galerie des arts visuels
L'exposition "Mondes et matières" de Thérèse
Guy, qui termine cette année sa maîtrise en arts
visuels, reflète bien son amour de l'éclectisme
et sa volonté d'aborder la création tous azimuts.
Les couleurs, les objets de la vie quotidienne, les photos de
pylônes électriques, les portraits récoltés
au hasard de ses pérégrinations finissent invariablement
au même endroit: dans son ordinateur. Pendant plusieurs
semaines, elle opère de savants mélanges, rajoute
ici de la couleur, là une superposition pour finalement
ordonner le désordre et produire une toile tout juste
sortie de l'imprimante, prête à accrocher au mur.
"J'adore ramasser des objets, explique l'artiste dans un
sourire, puis opérer des montages comme un enfant."
Un batteur à oeufs s'associe ainsi avec un ancien gicleur
anti-incendie, ce drôle de couple se transformant encore
grâce à l'addition d'un pied de lampe rehaussé
d'une vieille boîte à bonbons. Le traitement numérique
des clichés que Thérèse Guy prend de ces
combinaisons inusitées lui permet ensuite de se jouer
de l'image, tout comme un peintre le ferait avec les couleurs
étalées sur sa palette.
Passion médiévale
Malgré l'éclectisme affiché de leur
créatrice, certaines constantes parcourent tout de même
ses tableaux. Fréquemment des croix, des personnages ressemblant
à des croisés ou à des chevaliers, et même
un pape, se promènent ainsi de toile en toile. «Je
me sens attirée par l'imagerie médiévale,
confirme l'artiste, par les enluminures, par les petits objets
très précieux comme les reliquaires. J'aime l'idée
qu'on prenne du temps pour faire les choses comme ceux qui travaillaient
de longues heures sur les images décorant les livres copiés
au Moyen Âge.»
Sur ses toiles, les personnages du passé et du présent,
éclaboussés de couleurs saturées, côtoient
les traces photographiques d'objets, enrobant ses portraits d'une
dimension presque mystérieuse. Le traitement numérique
d'une photo de passeport de sa mère aux allures de star
hollywoodienne des années 1940 donne ainsi l'impression
d'un télescopage du passé et du présent,
à la manière des souvenirs que l'on conserve des
autres dans sa mémoire. «Les gens m'attirent par
leur complexité, explique Thérèse Guy. Les
connaissances, le bagage particulier à chacun font de
nous des êtres merveilleusement compliqués.»
Bien décidée à présenter son travail
sous toutes ses coutures, la créatrice expose d'ailleurs
les dessins qu'elle trace au pastel sur du papier transparent
pour retrouver le plaisir de la matière, mais également
les objets utilisés pour produire ses images numériques.
Un tréteau appuyé au mur, une chaise ou boîte
en métal donnent ainsi une nouvelle réalité
aux toiles accrochées.
PASCALE GUÉRICOLAS
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