
COURRIER
Vite la commission d'enquête sur la forêt!
Depuis l'arrivée du nouveau gouvernement à
la tête des affaires québécoises, peu a été
dit sur la question forestière, d'ailleurs laissée
en suspens lors des élections, si ce n'est une déclaration
publique de Richard Desjardins et du ministre Corbeil. Cependant,
le Premier ministre a énoncé haut et fort qu'une
commission d'enquête porterait sur l'ensemble de la question
forestière et non uniquement sur les rendements de la
forêt et des emplois afférents.
Dans son discours inaugural, voilà que le Premier ministre
Charest précise ses idées en mettant l'accent sur
l'exploitation. Le choix de ce terme en particulier nous
amène toutefois à nous interroger sur l'esprit
réel avec lequel le nouveau gouvernement veut aborder
la question. Jusqu'à quel point les citoyens pourront-ils
mettre la main à la pâte et obtenir une place pour
des activités qui seraient d'un autre ordre que l'exploitation?
Nous voulons signaler avec force et conviction qu'il n'y a pas
que la grande forêt de conifères au Nord qui soit
concernée, mais que l'ensemble du territoire habité
est sous l'emprise de la forêt, le principal trait qui
caractérise notre habitat. Depuis deux siècles,
nous l'avons livrée pieds et poings liés à
la colonisation, puis à l'agriculture et finalement à
la prédation industrielle d'exportation (potasse, bois
d'uvre, pâtes et papiers).
La partie la plus habitée de cette forêt ne semble
pas faire l'objet de beaucoup d'attention puisqu'elle est dans
un état tel que nos concitoyens, éleveurs de gorets,
achètent ces forêts dévastées pour
y déposer leurs gentils excréments. Serait-ce une
nouvelle technique d'aménagement du territoire forestier:
l'emmerdement des hommes et de la forêt?
Dans la même foulée, nous ne pouvons être
dupes du pouvoir de nos élus municipaux sur l'aménagement
urbain où les quelques lambeaux forestiers de qualité
qui restent sont promis aux autoroutes, parkings gigantesques
et grandes surfaces, pollueurs visuels sans pareil. Pour les
détenteurs du pouvoir urbain, ces aberrations portent
le nom d'"aménagements urbains", d'"investissements
nécessaires à la croissance", de "développement
économique", de "sources d'emplois". Dans
les faits, il s'agit de fragiliser le tissu urbain, rien de plus.
Ce qu'on ose appeler "développement", actuellement,
ne produit aucun bénéfice collectif et nous entraîne
dans une spirale de désintégration sociale où
les coûts dépassent de loin les bénéfices
immédiats de l'esbroufe du tout à la poubelle et
de l'autoroute infinie.
Peut-être n'est-il pas inutile de rappeler que dans une
société évoluée comme la nôtre,
avec des traditions centenaires tendant vers l'équité,
les hommes politiques élus au suffrage universel sont
avant tout des arbitres de l'économie avec un système
judiciaire à l'avenant. Notre système de concurrence
économique risque les pires dérapages sociaux,
faute de conscience sociale et cohérente d'un nombre suffisamment
élevé de citoyens.
Nous nous préoccupons grandement de la formation de cette
commission d'enquête que nous propose ce nouveau gouvernement.
Le choix du président proposé jusque-là
ne nous semble pas avoir été judicieux. Le ministre
qui portera la responsabilité de cette enquête devra
refaire ses devoirs et nommer des membres éloignés
de l'industrie, celle-ci ayant montré une capacité
d'influencer les élus de manière outrancière
au cours du siècle dernier.
Tous les hommes doivent utiliser les ressources de la nature
pour vivre. C'est ici que le rôle des élus est si
important quant aux activités de prédation en agissant
avec sagesse dans un esprit de croissance. Il y aura toujours
des véreux et des lâches, mais une bonne gestion
de l'économie de la société et de la culture,
avec l'aide de la loi et des consciences collectives et personnelles,
sont les seuls garants d'une grande qualité de vie de
tous les citoyens.
GILLES LEMIEUX
Professeur au Département des sciences
du bois et de la forêt et membre du
Comité de protection de l'environnement de Québec
(COPREQ)
La fonction routière bafouée
Lorsqu'on s'interroge sur ce qui constitue la raison d'être
fondamentale de nos routes régionales à grande
circulation, on constate qu'elles sont victimes d'un sérieux
problème de détournement de vocation. C'est la
cause d'ennuis mais aussi d'accidents graves, une situation qu'il
faut se dépêcher de corriger, avant que les dégâts
déjà visibles et très élevés
aujourd'hui ne deviennent complètement intolérables
demain.
Construire petit à petit avec les années, en bordure
de nos routes, des maisons, entrées, kiosques, chalets
et entreprises commerciales et industrielles de tous genres entraîne
des accidents, ce qui aboutit inévitablement à
l'abaissement indu des limites de vitesse. Sur ces routes destinées
aux déplacements interurbains et régionaux, censées
assurer une certaine fluidité de la circulation, on circule
maintenant lentement à la queue leu leu. Sans compter
la destruction de sols agricoles, voilà des conséquences
de l'accumulation de ces détournements du bien commun
par la nuée de ces nouveaux riverains! C'est d'ailleurs
une situation devenue maintenant tellement intolérable,
qu'elle représente le fléau du voyageur à
peu près partout, où qu'il aille dans la province.
Ne pensons pas naïvement qu'il suffit de se rabattre sur
l'usage de l'autoroute, car souvent elle n'existe pas et est
trop coûteuse à construire dans une vaste partie
du territoire, sans compter que le plus grand nombre de nos déplacements
se font dans un cadre régional.
Cette mise à profit personnelle du bien collectif par
cette kyrielle d'individus et de promoteurs de tout acabit qui
s'installent le long de nos grands-routes se produit fâcheusement
avec le laxisme des instances municipales, sans oublier les MRC,
responsables du zonage et de la délivrance des permis
de construction. Elles agissent alors à la manière
d'un puissant enzyme d'encouragement qui donne prise à
cette situation nuisible. Pourtant, c'est afin d'offrir des voies
de circulation publiques efficaces et sécuritaires à
toute la population que nos routes sont construites, à
forts coûts, avec nos taxes et impôts.
De plus, certains ministères provinciaux exercent aussi
une part de responsabilité dans l'articulation de cette
dynamique fautive. À cet effet, il importerait que les
Transports, les Affaires municipales et l'Environnement commencent
eux-mêmes par donner l'exemple et dictent des paramètres
incitatifs pour aider à résoudre cette situation
rendue intolérable par des comportements sociaux incohérents.
Que tous ensemble ils se décident enfin, alors même
qu'il est déjà très tard, à penser
et à agir dans un cadre éclairé par une
solide et sérieuse approche de planification du territoire.
D'autres sociétés, pays et états se préoccupent
depuis des décennies de ces questions! Ils se sont donné
la peine de faire un travail de planification de leur territoire,
que ce soit autant en ce qui touche leurs milieux urbains que
ruraux, plutôt que de se contenter de fonctionner par à-coups,
en se laissant ballotter par des impulsions ponctuelles et désarticulées.
La route constitue un bien commun dont la raison d'être
est le déplacement des individus, des biens et des marchandises.
Le laxisme actuel face à l'accumulation de la multitude
de ces actions prend en otage une population entière,
créant un effet permanent et irréversible dont
les conséquences nuisibles viendront hanter la société
des générations durant!
RAYMOND THÉRIAULT
Comité de protection de l'environnement de Québec
http://www.copreq.qc.ca
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