
Privés de légumes?
Les Canadiens achèteraient plus de légumes qu'il
y a vingt ans, mais d'intrigants écarts existent entre
les catégories de ménages
La bonne nouvelle d'abord. Les achats en légumes seraient
à la hausse au pays, ce qui porte à croire que
les conseils sur la bonne alimentation font peu à peu
leur chemin jusqu'à l'assiette. La mauvaise maintenant.
La présence d'enfants et le travail à temps partiel
de la mère influenceraient à la baisse l'achat
de légumes. Voilà les étonnantes conclusions
auxquelles arrive Nathalie Boivin au terme de ses analyses sur
l'évolution des dépenses alimentaires des ménages
canadiens entre 1982 et 1996.
L'étudiante-chercheure en nutrition, dont les travaux
de doctorat sont supervisés par Lise Dubois, du Département
de médecine sociale et préventive, avoue elle-même
sa surprise face à certains des résultats qu'elle
a présentés lors d'une conférence prononcée
le 22 mai devant une trentaine de personnes. Pourtant, les données
qui ont servi à ses analyses reposent sur du solide puisqu'elles
proviennent des réponses fournies par des milliers de
ménages canadiens aux enquêtes sur les dépenses
alimentaires que Statistique Canada effectue tous les quatre
ans.
Double ration
Entre 1982 et 1996, les dépenses hebdomadaires moyennes
- en dollars constants - consacrées à l'achat de
légumes ont plus que doublé au pays. Par contre,
en 1996, les familles avec enfants consacraient chaque semaine
4$ par membre du ménage à l'achat de légumes,
alors que les personnes seules et les ménages sans enfants
y allouaient un peu plus de 6$ par personne. "L'effet de
la présence des enfants sur les dépenses en légumes
nous a vraiment étonnées, admet Nathalie Boivin.
C'est contraire à nos attentes et inquiétant du
point de vue de la santé publique, considérant
l'importance des légumes pour la santé, particulièrement
pour les enfants."
Par ailleurs, le statut professionnel de la femme semble conditionner
les achats en légumes des ménages. La chercheure
rapporte qu'en 1982, les ménages mariés sans enfants
dépensaient, par personne, une moyenne de 2$ par semaine
pour les légumes, peu importe la situation d'emploi de
la femme. En 1996 par contre, ce montant était passé
à un peu plus de 4$ dans les ménages où
la femme occupait un emploi à temps partiel, soit environ
0,50$ de moins que les ménages où la femme était
sans emploi et presque 0,75$ de moins que les familles où
la femme occupait un emploi à temps plein. La même
tendance prévaut pour les dépenses hebdomadaires
moyennes en légumes dans les familles avec enfants. "L'interprétation
des données reste à faire, mais il semble que les
ménages où la femme travaille à temps partiel
en arrachent plus que les autres, avance Nathalie Boivin. Il
est possible qu'elles subissent plus de pressions, notamment
pour la gestion de leur temps. Il faut mettre ces données
en perspective avec l'évolution du contexte socioéconomique."
Si l'étudiante-chercheure a limité sa présentation
au cas des légumes, c'est uniquement parce que "sur
le plan de la santé publique, la consommation de légumes
est un élément déterminant de la bonne alimentation"
rappelle-t-elle. À l'exception de la viande, du poisson
et des oeufs, les résultats qu'elle a obtenus pour les
autres groupes d'aliments vont dans le même sens que ses
analyses sur les légumes.
JEAN HAMANN
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