
Pas dans ma cour d'école!
La violence fait de plus en plus partie de la
réalité scolaire, mais les solutions à ce
problème existent
Insultes, vols, menaces verbales, extorsion (taxage), bagarres,
gangs, armes, vandalisme, harcèlement après une
rupture amoureuse, intimidation, les conduites violentes à
l'école, principalement entre jeunes mais aussi parfois
envers les enseignants, ont connu une hausse significative depuis
une quinzaine d'années et ce, tant au Québec que
dans le reste du monde. Le phénomène est à
ce point préoccupant qu'il a fait l'objet d'une importante
rencontre, du 11 au 14 mai, au Centre des congrès de Québec.
La Deuxième conférence mondiale sur la violence
à l'école, un événement soutenu par
le CRIRES (Centre de recherche et d'intervention sur la réussite
scolaire de l'Université Laval) et l'Observatoire européen
de la violence en milieu scolaire, s'est déroulée
sur le thème "Recherche, pratiques exemplaires et
formation des maîtres". Elle a attiré environ
550 participants provenant d'une trentaine de pays et donné
lieu à plus de 170 communications scientifiques (voir
article en page couverture).
Selon Égide Royer, professeur titulaire au Département
d'études sur l'enseignement et l'apprentissage, président
du comité organisateur et président de la Conférence,
la violence est le fait d'une minorité de jeunes. "Si
vous avez des règles de conduite claires (par exemple,
celui qui arrive en retard à son cours reprendra le temps
perdu le midi) et du personnel qui enseigne comment se comporter,
vous n'aurez pas de problèmes avec 80 % des jeunes de
l'école, explique-t-il. Un autre 15 % sont à risques
et ils vont se faire sortir de temps en temps de la classe. Ils
ont besoin d'un bon encadrement. Les 5 % restants posent des
problèmes de conduite agressive très importants.
Pour eux, l'enseignement ne suffit pas. S'ils ne sont pas renvoyés
de l'école, ils auront besoin d'interventions plus individualisées,
sur mesure."
Un métier passablement rock and roll
Aujourd'hui, la violence à l'école se manifeste
de la maternelle au cégep. En moyenne, un enfant par classe
de maternelle est incontrôlable parce qu'il manque d'encadrement
à la maison. Égide Royer dit avoir été
témoin de jeunes de douze ans qui se retenaient d'aller
aux toilettes durant toute la journée par crainte de se
faire agresser. Par ailleurs, que faire devant un parent en colère
qui se présente à votre bureau? Ou bien, lorsque
vous recevez le courriel d'une élève qui pense
à se suicider? Ou lorsque, jeune finissant, vous vous
retrouvez comme suppléant devant une classe particulièrement
agitée d'une école secondaire, par un vendredi
après-midi pluvieux?
"Si un jeune envoie promener son professeur avec un langage
grossier en disant qu'il ne veut rien savoir de lui aujourd'hui,
la plupart peuvent perdre leurs moyens assez rapidement, indique
Égide Royer. Si l'enseignant sort l'élève,
il va passer pour un prof qui ne gère pas bien sa classe.
S'il le garde, il ne sera pas capable d'enseigner. Il est coincé."
Selon lui, le milieu familial porte une lourde responsabilité
pour les conduites agressives à l'école. "Lorsqu'il
y a conflit, dit-il, et que le père bat la mère
ou le jeune, l'enfant apprend que si tu cognes, et suffisamment
fort, tu vas gagner."
Une formation à consolider
Au Québec, les étudiantes et étudiants
au baccalauréat en enseignement ne reçoivent pratiquement
aucune préparation sur la façon de composer avec
les conduites violentes à l'école. Égide
Royer, lui, donne trois cours de maîtrise de 45 heures
sur cette question. "La formation existe, souligne-t-il,
et mes cours sont toujours pleins à craquer." Le
contenu du bac devrait, selon lui, inclure des cours concrets
sur la manière de travailler avec les parents et de devenir
suppléant. Il faudrait aussi des cours sur l'intervention
avancée ou de crise auprès des jeunes, de même
que sur les problèmes de comportement à l'école.
Ce dernier croit qu'il faut faire face à la problématique
avec une mentalité d'éducation, non de répression.
"Comme seul mode d'intervention, dit-il, la punition fonctionne
très mal. Le rôle de l'école est d'arrêter
certains comportements et d'en enseigner de nouveaux."
YVON LAROSE
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