Une planète, une matrice?
Le juriste Ivan Bernier propose que l'Unesco
se porte à la défense des marchés culturels
intérieurs
Comme les espèces animales menacées, les différentes
cultures mondiales ont peut-être besoin de bénéficier
de la protection d'une convention internationale pour ne pas
disparaître. Ivan Bernier, professeur retraité de
la Faculté de droit spécialisé en droit
international, prêche pour la réalisation d'un tel
accord dont l'élaboration pourrait être parrainée
par l'Unesco en octobre prochain. D'ici là, le conseil
exécutif de cet organisme lui a demandé de réfléchir
au contenu d'un tel document. Ivan Bernier a donc profité
d'un colloque sur la diversité culturelle, organisé
par le Département d'information et de communication,
le 14 mai dernier, pour présenter quelques-unes de ses
idées à ce sujet.
Selon Ivan Bernier, divers phénomènes mettent en
danger l'avenir de la diversité culturelle sur la planète.
À titre d'exemple. la mondialisation, notamment la libéralisation
des échanges économiques internationaux, ainsi
que les développements technologiques, en particulier
l'accélération de la circulation des produits digitaux,
facilitent la pénétration des marchés intérieurs
culturels. Ainsi, certains pays se retrouvent avec des programmations
télévisuelles essentiellement venues d'ailleurs,
et n'ont donc plus d'espaces pour aborder les questions relatives
à leur propre société. "En 1993, la
Nouvelle-Zélande a accepté de ne pas avoir de quotas
pour les émissions de télévision, signale
Ivan Bernier. Une étude réalisée en 1998
montre que le contenu local se limite à 24 % et que le
retour aux quotas est impossible."
Le problème de la pénétration culturelle
tous azimuts s'avère exactement le même pour le
cinéma ou la diffusion de disques, puisque les accords
d'échanges internationaux comprennent très peu
d'exceptions à caractère culturel. Le combat que
mène l'Organisation mondiale du commerce pour une libéralisation
complète des échanges a par exemple des effets
directs sur les films projetés au Canada. Ainsi, plus
de 90 % des productions que les anglophones hors-Québec
peuvent voir sur leurs écrans proviennent des États-Unis.
Au Québec, même si le pourcentage reste un peu plus
faible, les cinéphiles ont cependant très peu accès
aux films venus d'autres pays, qu'il s'agisse de l'Europe ou
d'ailleurs. "Finalement, même si la culture se développe
au contact des autres, nous sommes relativement coupés
de la production audiovisuelle de l'étranger", constate
Yvan Bernier.
Selon le juriste, il faudrait donc parvenir à créer
un forum international s'intéressant à l'expression
culturelle afin que des législations nationales ou régionales
puissent protéger la diversité des cultures. Actuellement,
aucune instance ne défend ce dossier. Yvan Bernier espère
donc que l'Unesco pourrait prendre la question en charge afin
que la culture soit enfin protégée au sein des
échanges internationaux.
PASCALE GUÉRICOLAS
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