
La diplomatie musclée
Au 4e siècle avant notre ère,
des cités grecques de Sicile et d'Italie du Sud ont joué
avec un certain succès la carte des relations internationales
C'est au 8e siècle avant Jésus-Christ qu'a débuté
la colonisation grecque en Italie du Sud et en Sicile. Quatre
siècles plus tard, deux anciennes colonies devenues des
cités hégémoniques, Syracuse en Sicile et
Tarente en Italie du Sud, sont contraintes de demander l'aide
de leur ancienne cité mère respective, Corinthe
et Sparte. "Dans la seconde moitié du 4e siècle,
les deux cités se voient incapables de faire face, la
première à une crise interne amenée par
une lutte pour le pouvoir, la seconde à la menace représentée
par les pressions de peuples barbares", explique Jérémy
Charlebois, finissant au baccalauréat en études
anciennes, qui abordait, le jeudi 24 avril au pavillon Charles-De
Koninck, la question des relations internationales des cités
grecques de la Sicile et de la Grande-Grèce à l'époque
hellénistique, dans le cadre du premier Colloque des jeunes
chercheurs en études anciennes de l'Université
Laval. "À cette époque, dit-il, les mondes
grecs d'Occident et d'Orient entretenaient peu de relations.
Syracuse et Tarente vont, d'une certaine façon, participer
à la destinée de cet Orient méditerranéen
en recourant aux trois axes de relations internationales de l'époque.
Ces axes sont les relations entre les cités, les relations
entre ces cités et les royaumes, et les relations entre
royaumes."
Timoléon à la rescousse
En 344 av. J.-C., après que Syracuse ait fait jouer
ses relations privilégiées avec Corinthe, le général
grec Timoléon arrive en Sicile à la tête
d'une petite armée. Il libère Syracuse du tyran
Denys le Jeune, restaure la démocratie et entreprend un
effort de repeuplement. La même année, Tarente,
en Italie du Sud, demande l'aide du roi de Sparte Archidamos
pour lutter contre l'envahissement de peuples barbares voisins.
Archidamos arrive à la tête d'une grande armée
et d'une flotte de navires. Mais il est défait et tué
en 338. Tarente redemande le concours de Sparte. Le roi d'Épire,
Alexandre le Molosse, décide à son tour de prêter
main-forte. Il entreprend sa campagne en 334, se brouille avec
les Tarentins et meurt en 331. Pour Tarente, le problème
barbare se transforme en un combat contre Rome, une des deux
puissances montantes de l'Occident méditerranéen
avec Carthage. Pyrrhos, le nouveau roi d'Épire, se porte
au secours de Tarente en 281. Il intervient après que
l'armée romaine ait dévasté le territoire
tarentin. À la suite de deux victoires contre les Romains,
une ambassade sicilienne demande à Pyrrhos d'intervenir
en Sicile contre les Carthaginois. Il accepte, rallie l'ensemble
des cités grecques de l'île et repousse les Carthaginois.
L'égal des monarques hellénistiques
Le tyran de Syracuse, Agathocle, est le seul acteur du monde
grec occidental à être intervenu dans les affaires
de la partie orientale du monde hellénistique. "Il
s'est nommé roi parce qu'il voulait se présenter
comme un vis-à-vis aux monarques hellénistiques,
ce qu'il fit brillamment", indique Jérémy
Charlebois. Après s'être imposé contre Carthage,
Agathocle s'ingère dans la politique du monde grec oriental
avec la conquête de la cité de Corcyre, sur l'île
du même nom. Son interventionnisme se limite par la suite
à protéger cette possession et à entretenir
des relations avec les monarques hellénistiques de Macédoine
et d'Épire. Ces échanges l'amènent, vers
300, à donner sa fille en mariage au roi d'Épire
avec la Corcyre en dot. "Ce roi d'Épire était
un allié du maître de l'Égypte, souligne
Jérémy Charlebois. On serait tenté de voir
dans cette manoeuvre une manière de se rapprocher davantage
du pouvoir égyptien."
YVON LAROSE
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