
La recette d'Angelo
La réconciliation de l'humanisme et de la productivité
scientifique est au coeur des succès de ce spécialiste
de la nutrition
La Faculté de médecine est un train à
plusieurs locomotives qui roulent à pleine vapeur. Impossible
de dire qui bat la mesure parmi ces engins bien rodés
qui engrangent collectivement près de 100 millions de
dollars par année en fonds de recherche. Aussi, les responsables
de la cinquième Journée de la recherche à
la Faculté de médecine n'ont pas eu la tâche
facile lorsqu'il leur a fallu choisir un conférencier
de clôture parmi toutes les stars qu'ils comptent dans
leurs rangs. Angelo Tremblay en était bien conscient lorsqu'il
s'est amené au podium, devant ses pairs, au terme de la
Journée de la recherche. "C'est la conférence
sur laquelle j'ai le plus travaillé depuis le début
de l'année", a-t-il spontanément admis.
Pourquoi lui? "Parce qu'on est fier de ce qu'il a accompli,
a expliqué la vice-doyenne à la recherche, Sylvie
Marcoux, et parce que, par expérience ou par manque de
sagesse, il n'hésite pas à sortir des sentiers
battus. À lui seul, il forme une équipe multidisciplinaire
tellement ses intérêts sont vastes."
Spécialiste de la nutrition, de l'exercice physique et
de l'obésité, auteur de plus de 300 articles scientifiques
et, depuis quelques mois, directeur de l'Institut des nutraceutiques
et des aliments fonctionnels, Angelo Tremblay a profité
de la tribune qui lui était offerte pour rappeler les
principaux éléments de son credo. "Le chercheur
universitaire est un gestionnaire de PME, qui doit continuellement
trouver de l'argent, qui ne peut pas faire de déficit,
qui ne peut se constituer de fonds de réserves et qui
doit composer avec des contraintes administratives et déontologiques
qui limitent sa flexibilité, a-t-il souligné en
guise d'introduction. Il doit aussi s'acquitter de ses devoirs
d'innovation et de diplomation."
L'humain d'abord
Comment arrive-t-on à s'acquitter sereinement de toutes
ces tâches? Bien sûr, il faut être efficace,
travailleur et créatif - "si tu as du flair pour
poser les bonnes questions, tu ne travailles pas inutilement"
-, mais l'élément qui a le plus marqué son
approche depuis 10 ans est "la réconciliation de
l'humanisme et de la productivité scientifique",
confesse-t-il. Cette réconciliation passe par la valorisation
de l'expertise des professionnels de recherche de son équipe,
à qui il confie d'importantes responsabilités,
et par la valorisation de l'expertise des étudiants-chercheurs,
qui reçoivent un revenu en échange de leur participation
aux activités de l'équipe. Elle passe aussi par
des collègues généreux avec qui il est possible
de bâtir une relation de confiance, insiste-t-il.
Les nombreux ponts qu'il ne cesse de jeter entre son équipe
et les autres secteurs de recherche de la Faculté témoignent
de l'insatiable désir d'Angelo Tremblay de multiplier
les angles d'attaques pour mieux comprendre toutes les facettes
du problème de l'obésité. "Plus on
réussit en recherche, plus on a tendance à imposer
sa manière de voir aux autres, mais agir ainsi serait
une grave erreur. Il faut toujours rester ouvert aux façons
de faire et de penser des autres." C'est d'ailleurs la plus
grande qualité que lui reconnaît Pierre Durand,
le doyen de la Faculté de médecine. "Angelo
Tremblay est un homme de collaboration dont la carrière
illustre à merveille la richesse qu'on peut retirer du
respect du paradigme de l'autre."
Coureur impénitent, Angelo Tremblay encourage les membres
de son équipe à pratiquer, ensemble, des activités
physiques. Les "running meetings" - ces sorties de
jogging au cours desquelles les participants discutent de façon
informelle de questions de recherche - ne seraient pas étrangers
à la productivité élevée de ce groupe.
"Quand on est fit aérobiquement, on est fit
mentalement, plaide le professeur-coureur Tremblay. Nous sommes
sans doute l'équipe de recherche la plus athlétique
de l'Université et j'aime à penser que nous formons
aussi l'équipe la plus heureuse."
JEAN HAMANN
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