
Les maux pour le dire
Chez les jeunes enfants, problèmes de langage et comportements
agressifs semblent aller de pair
Les comportements agressifs des jeunes enfants auraient une
forte composante génétique et les retards d'apprentissage
du langage accentueraient leur manifestation. Voilà l'étonnante
conclusion qui se dégage d'une étude menée
auprès de 526 paires de jumeaux de 19 mois par Ginette
Dionne et Michel Boivin, de l'École de psychologie, et
par leurs collègues Richard Tremblay, David Laplante et
Daniel Pérusse, de l'Université de Montréal.
À partir des réponses fournies par les parents
à un questionnaire portant sur différents comportements
agressifs de leurs enfants, les chercheurs ont estimé
que 58 % de la variance dans les comportements agressifs était
attribuable à des facteurs génétiques. Ce
résultat repose sur des méthodes de calcul qui
départagent l'effet de l'hérédité
et de l'environnement, en tirant profit des différences
de similitude génétique entre les vrais et les
faux jumeaux.
"C'est la première fois qu'une étude rapporte
une valeur aussi élevée d'héritabilité
pour les comportements agressifs chez des enfants aussi jeunes",
affirment les chercheurs dans un article qu'ils publient dans
une récente édition de la revue Developmental
Psychology. "Il semble que les comportements agressifs
apparaissent aussitôt que les enfants ont suffisamment
de contrôle sur leurs gestes et qu'une cible est disponible",
observe Ginette Dionne.
Des prédispositions génétiques
À l'aide des réponses fournies par les parents
à un second questionnaire portant sur l'étendue
du vocabulaire de leurs enfants, les chercheurs ont établi
qu'il existait une relation inverse "modeste mais significative"
(r = -0,20) entre l'étendue du vocabulaire et le recours
aux gestes violents. Les enfants ne deviendraient pas agressifs
parce qu'ils ont un retard langagier, précise Ginette
Dionne. Il semble plutôt que les problèmes de langage
viennent exacerber les prédispositions génétiques
aux comportements violents chez certains enfants.
Avant leur entrée à la maternelle, la plupart des
enfants apprennent à exprimer leur frustration ou leur
colère autrement que par le recours aux gestes violents.
Pas tous cependant. Les enfants qui sont prédisposés
à faire usage de force ont besoin d'un encadrement particulier
pour apprendre à contrôler leurs comportements agressifs,
surtout s'ils ont des retards d'apprentissage du langage, estiment
les chercheurs. "Nos résultats démontrent
qu'il est possible d'identifier les enfants agressifs en bas
âge. Il faut aider ces enfants à faire l'apprentissage
du langage et à acquérir certaines habiletés
relationnelles avant que les patrons de comportements violents
ne soient ancrés trop profondément", insiste
Ginette Dionne.
La chercheure ne va pas jusqu'à proposer un dépistage
systématique, mais elle encourage les travailleurs sociaux
et les médecins de famille à porter une attention
particulière au fait que retards langagiers et problèmes
d'agressivité physique marchent souvent main dans la main.
De 59 % à 80 % des enfants qui ont des retards de langage
ont des problèmes de comportements; de 24 % à 65
% des enfants avec retard langagier ont des comportements agressifs.
Des travaux antérieurs ont révélé
que les enfants qui font montre d'agressivité physique
pendant la petite enfance courent de forts risques de devenir
des adolescents violents, souligne Ginette Dionne.
JEAN HAMANN
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