
La protection de l'environnement, un prélude
à la paix?
La cogestion de ressources naturelles communes
pourrait contribuer à dénouer l'impasse au Proche-Orient
Clive Lipchin, chercheur à l'Institut des études
environnementales d'Arava, en Israël, a formulé une
hypothèse pour le moins audacieuse, le jeudi 1er mai au
pavillon Charles-De Koninck. Sa conférence était
organisée conjointement par la Chaire de recherche du
Canada en droit de l'environnement, la Faculté de droit
et l'Institut québécois des hautes études
internationales. Selon lui, la coopération régionale
entre Israël et ses voisins dans le domaine de l'environnement
pourrait contribuer au processus de paix dans cette partie du
monde. "Je travaille en gestion de l'environnement et en
gestion des ressources naturelles, explique-t-il. En dépit
des différences culturelles et politiques, tout le monde
semble d'accord pour dire qu'un terrain d'entente est possible
quand il s'agit de dossiers environnementaux."
Ressources sans frontières
Les ressources naturelles ignorent les frontières
politiques. À partir de ce constat, Clive Lipchin croit
que la gestion durable de ces ressources ne peut se faire qu'en
mettant de côté la notion de souveraineté
sur ces mêmes ressources. C'est ce qui se produit dans
le golfe d'Aqaba où l'on fait la cogestion des récifs
de corail relativement aux risques de déversements pétroliers.
Le golfe dessert quatre pays: Israël, la Jordanie, l'Arabie
saoudite et l'Égypte. Il contient plus de 300 sous-espèces
de coraux et plus de 1 000 espèces de poissons. Dans sa
partie nord se trouvent deux villes portuaires: Aqaba, du côté
jordanien, Eilat, du côté israélien. "Israël
et la Jordanie ont signé un traité de paix en 1994,
rappelle le conférencier. Cet accord prévoit une
coopération bilatérale pour prévenir les
déversements de pétrole. Chaque fois qu'un pétrolier
remonte le golfe, les autorités portuaires d'Aqaba et
d'Eilat le surveillent étroitement et conjointement. Si
une situation de déversement potentiel se présente,
elles interviennent ensemble et rapidement. La coopération
est très forte, même aujourd'hui alors que les relations
sont très tendues entre les deux pays."
Le traité de paix prévoit qu'Israël doit acheminer
chaque été aux Jordaniens 20 millions de mètres
cubes d'eau potable prélevés dans la mer de Galilée
au nord du pays. Au sud, en raison d'une légère
modification aux frontières, des agriculteurs continuent
d'avoir accès à des puits d'eau potable anciennement
situés en Israël, mais qui se trouvent désormais
en territoire jordanien. Les habitants d'un kibboutz, quant à
eux, continuent d'exploiter leurs champs de culture malgré
qu'ils soient maintenant en Jordanie.
Une mer de moins en moins vivante
Depuis cinq ans, le niveau d'eau de la mer Morte baisse en
moyenne d'un mètre par année. Cet assèchement
graduel est attribuable, d'une part, à la déviation
en amont du fleuve Jourdain et, d'autre part, à la présence
de bassins d'évaporation servant à la production
de la potasse. Selon Clive Lipchin, la mer Morte, cette ressource
unique et fragile, riche en minéraux et gérée
conjointement par Israël, l'Autorité palestinienne
et la Jordanie, est en train de mourir. Il fonde toutefois certains
espoirs sur un projet de gestion environnementale régionale
mené par les Amis de la Terre - Proche-Orient et financé
par la Commission européenne. "Pour la première
fois, dit-il, les communautés locales sont mises à
contribution. Les États riverains sont représentés.
Les aspects économique, écologique et social sont
étudiés. Je suis relativement optimiste que ce
projet se retrouve à l'agenda des décideurs politiques."
YVON LAROSE
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