LE COURRIER
Deux plus deux font Quel est le problème au juste?
Monsieur Alain Massot, dans le numéro du Fil
du 20 février, souligne la piètre qualité
du français chez les étudiants universitaires.
L'auteur fait référence, notamment, à la
difficulté qu'éprouvent les étudiant(e)s
à exprimer leurs idées à l'écrit,
et ce, de façon claire, précise et concise. Du
moins les exemples qu'il rapporte tendent à montrer qu'un
universitaire peut manier la langue avec un certain manque d'élégance
et d'efficacité.
Je ne peux donner tort à la pertinence de ces remarques.
Le problème est bien réel. Terminant tout juste
la correction d'un travail dont le but était, pour les
étudiants, de résumer une recherche*, j'ai été
à même de constater quelques mauvais usages. Par
exemple, certaines conjonctions semblent être mal comprises.
Alors que "par contre" sert à marquer l'opposition,
on le retrouve dans une phrase où les idées sont
de nature complémentaire : "Les chercheurs ont créé
une liste de mots désignant soit un objet concret, soit
une abstraction. Par contre, les mots devaient commencer par
la lettre A". Il n'est pas rare non plus de rencontrer l'indication
de ce qu'on croit être le début d'une suite d'idées
("tout d'abord", "en premier lieu", etc.)
sans toutefois en voir la suite dans le texte.
Par ailleurs, certaines phrases laissent croire que les étudiants
ne se relisent pas, ce qui relèverait davantage d'un laxisme
ou d'un manque de méthode de travail, plutôt que
d'une méconnaissance de la langue française. Ainsi,
un étudiant voulant préciser auprès de quels
sujets une étude a été menée, écrit:
"Cette étude a porté sur 112 enfants, réguliers
dans leur scolarité". S'agit-il d'élèves
qui viennent régulièrement à l'école,
ou d'élèves inscrits à un programme "régulier"?
Dans d'autres cas, on peut vraisemblablement soupçonner
une confusion sur le plan conceptuel, dans des phrases où
des aspects comme l'élaboration d'une étude et
les données qui en découlent, pourtant distincts,
s'embrouillent: "Les données concernant l'élaboration
de cette recherche ont été recueillies auprès
d'élèves de 3e année".
Enfin, sur le plan de la langue, on confond encore assez souvent
"à" (la préposition) et "a",
né du verbe avoir conjugué à la troisième
personne du singulier; c'est du moins ce qui a pu être
constaté à plus d'une reprise, chez les mêmes
"cobayes". Curieusement, on accorde "dans chaques
cas", comme si le "s" du mot cas faisait foi d'un
pluriel; on ne semble pas se douter d'une erreur en écrivant
"hors de tous doutes"; on érige une statue socio-économique
(il faudrait lire statut), on allonge l'"apperçu"
d'un p, on invente un peu (la "lecteure" et "déquortiquer"),
et on joint l'oral à l'agréable avec des "il
fesait".
Malgré tout cela, je me dois de signaler la présence,
dans mes travaux, de réels bijoux, presque sans faille;
des résumés dans lesquels on a réussi à
extraire l'essentiel d'une étude, à situer adéquatement
les travaux dans le cadre théorique présenté,
à mettre en évidence l'hypothèse testée,
à faire bien comprendre la méthodologie adoptée,
etc. Et parmi ces travaux, des notes parfaites que je m'empresse
d'applaudir, comme on le fait devant la performance de certains
athlètes.
Plusieurs ont déjà sonné l'alarme face à
une école qui semble avoir perdu en chemin sa mission.
Je ne voudrais certainement pas dénigrer l'urgence de
ce signal. Pour l'instant, j'abonde dans le sens de M.-C. Pollet**
qui suggère de ne pas "en rester au niveau de la
complainte", et ce, dans le but de "dépasser
la désespérance du constat". Je laisse donc
de côté les "ils ne savent pas écrire"
ou encore les "qu'ils sont poches en français".
Du moins tant et aussi longtemps que les étudiants et
les étudiantes exprimeront le désir de s'améliorer
et qu'ils feront preuve d'un conscience qu'utiliser la langue
représente un problème perpétuel dont les
solutions ouvrent la voie à la transmission (mais avant,
l'élaboration) des pensées.
MARC LAFONTAINE
Chargé de cours en langues,
linguistique et traduction
|