Les Québécois diraient oui au virage
à droite
Portés par une nouvelle sensibilité
historique, des éléments de conservatisme semblent
en train d'émerger au pays de la Révolution tranquille
Le Québec issu de la Révolution tranquille a
été marqué par la notion de progressisme
et par l'idéal de la souveraineté. Comme cet idéal
a abouti à un échec, et comme les changements inhérents
au progrès donnent de moins en moins les résultats
escomptés, il faut s'attendre à ce qu'apparaissent
des éléments conservateurs, des éléments
qui se rattachent à un passé plus ancien que la
Révolution tranquille.
Ce point de vue est celui de Christian Dufour, politologue à
l'École nationale d'administration publique. Il a livré
ce commentaire à l'occasion d'un débat public présenté
le mardi 28 janvier au pavillon Charles-De Koninck sur le thème
"Le renouvellement des générations et l'émergence
d'une nouvelle sensibilité politico-historique au Québec".
Cette activité était organisée par la Chaire
de recherche du Canada en histoire et économie politique
du Québec contemporain, à l'occasion du lancement
du livre Les idées mènent le Québec.
Essais sur une sensibilité historique. Cet ouvrage
collectif est publié aux Presses de l'Université
Laval sous la direction de Stéphane Kelly, postdoctorant
à la Chaire.
Des thèmes porteurs d'avenir
Christian Dufour identifie quatre éléments
qui peuvent compenser l'échec référendaire,
lequel a abouti à un affaiblissement politique du Québec.
Plutôt défensifs, ces thèmes de nature conservatrice
sont importants et surtout porteurs d'avenir pour la société
québécoise. "Sur le plan historique, explique-t-il,
les Québécois sont le peuple fondateur du Canada
et le Québec se situe au cur de la construction de l'identité
canadienne." Le fédéralisme, dit-il, comprend
deux principes: la collaboration et la séparation des
compétences. "C'est dans l'intérêt du
Québec de rappeler ce dernier principe", souligne-t-il.
Sur le plan linguistique, le politologue insiste sur la prédominance
du français par opposition à un bilinguisme pancanadien.
"Dans la nouvelle ville de Montréal, soutient-il,
ce principe est très fonctionnel et important parce qu'il
va éviter la bilingualisation." Enfin, dans le cadre
de l'actuel projet de réforme des institutions politiques
internes québécoises, il ne faut pas oublier, selon
lui, que les institutions actuelles assurent un pouvoir considérable
à la majorité francophone et font que le Québec
est dirigé par un chef de gouvernement puissant.
Les partis générationnels
Vincent Lemieux, professeur associé au Département
de science politique, a rappelé qu'au 20e siècle,
le Québec a connu trois partis générationnels
qui ont chacun polarisé de trente-cinq à quarante
ans de la vie politique. D'abord, il y a eu le Parti libéral
fédéral sous la férule de Wilfrid Laurier,
ensuite l'Union nationale sous Maurice Duplessis et, enfin, le
Parti québécois sous René Lévesque.
"Ces partis, explique-t-il, se caractérisent par
leur définition du nationalisme et du rôle de l'État.
Il y a eu respectivement le nationalisme canadien contre l'empire
britannique, le nationalisme autonomiste et le nationalisme souverainiste."
Selon Vincent Lemieux, il n'est pas certain que l'Action démocratique
du Québec (ADQ) soit le nouveau parti générationnel.
"Dans les années trente, précise-t-il, on
avait cru que ce serait l'Action libérale nationale avec
Paul Gouin. A suivi une coalition avec Duplessis dont est ressortie
l'Union nationale."
Selon Stéphane Kelly, trois éléments vont
probablement influencer la donne politique au cours des prochaines
années: la thématique générationnelle,
la famille et le maintien de la classe moyenne. "L'ADQ,
indique-t-il, a eu le mérite d'aborder ces thèmes
traditionnellement ignorés par les élites nationalistes.
Le parti qui réussira le mieux à tirer son épingle
du jeu sera celui qui sera le mieux en mesure de conjuguer ces
trois thèmes."
YVON LAROSE
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