Des écosystèmes hypersensibles
Le Bas-Saint-Laurent compterait de moins en
moins de tourbières naturelles non perturbées
Les tourbières ne mériteraient pas l'étiquette
de dures à cuire qu'on leur a longtemps accolée.
En effet, sous des dehors rudes, austères et inhospitaliers,
ces écosystèmes cacheraient une grande vulnérabilité
face aux activités humaines. Voilà, sous forme
quelque peu romancée, la conclusion qui se dégage
des travaux que mène Daniel Lachance, avec Claude Lavoie
et André Desrochers, dans les tourbières du Bas-Saint-Laurent.
L'étudiant-chercheur a livré les principaux résultats
obtenus jusqu'à présent dans le cadre de ses travaux
de doctorat, lors du Colloque étudiant du Centre de recherche
en aménagement et développement qui avait lieu
le 31 janvier sur le campus.
Une étude antérieure, réalisée par
Stéphanie Pellerin, avait démontré que près
de 60 % de la superficie de 18 tourbières, situées
entre Rivière-du-Loup et l'Isle-Verte, avaient subi le
contrecoup des activités humaines. Daniel Lachance a voulu
savoir dans quelle mesure ces activités ont eu un impact
sur la biodiversité des tourbières. Pour y arriver,
il a patiemment procédé à l'inventaire de
la végétation de 16 tourbières naturelles
- plus de 2 000 points d'échantillon abritant 160 espèces
- et, à l'aide d'un système d'information géographique,
il a évalué l'importance de facteurs physiques
(ex.: profondeur de la nappe phréatique) et spatio-historiques
(ex.: date du dernier feu) sur la répartition des espèces
végétales.
"Les variables spatio-historiques expliquent à elles
seules 22 % de la variation observée dans les patrons
végétaux, contre 17 % pour les variables abiotiques",
souligne Daniel Lachance. Selon ses analyses, les plus importantes
variables spatio-temporelles sont l'intensité des perturbations,
les pertes de superficie encourues par le passé et la
date du dernier feu. Du côté des variables physiques,
la profondeur de la nappe phréatique, l'ouverture du milieu
et l'épaisseur du dépôt tourbeux avaient
le plus fort impact sur la répartition des plantes.
"Nos résultats montrent que les tourbières
ne sont pas des écosystèmes aussi résistants
qu'on le pensait, observe Daniel Lachance. Il est donc important
de considérer l'influence présente et passée
de l'homme sur le paysage englobant ces milieux humides avant
de prendre des décisions concernant leur conservation
ou leur gestion." À la lumière de son étude,
l'étudiant-chercheur estime qu'il reste deux sites représentatifs
des tourbières naturelles non perturbées dans le
Bas-Saint-Laurent, la tourbière de Bois-des-bel à
Cacouna et celle de Saint-Arsène ouest. "Leur étendue
et le fait qu'elles soient les moins affectées par les
variables spatio-historiques leur confèrent une valeur
intéressante pour la conservation."
JEAN HAMANN
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