Le paradoxe victorien
La compagnie Clio Dell'arte présente "L'étrange
mal du Dr Jekyll"
En fondant la compagnie Clio Dell'arte, Catherine Ferland
et Annie Breton ont voulu concilier deux passions. L'étudiante
au doctorat en histoire et la diplômée en muséologie
et en histoire ont écrit et mis en scène L'étrange
mal du Dr Jekyll, avant tout par amour de l'histoire et du
théâtre. En travaillant à partir de la célèbre
nouvelle de l'auteur anglais Robert Louis Stevenson, Dr Jekyll
et Mister Hyde, elles plongent tête baissée
dans l'ère victorienne, tout en réfléchissant
à des questions très contemporaines sur l'éthique,
la science et l'avenir de l'humanité.
Petit rappel de la trame d'une histoire abondamment adaptée
au cinéma depuis quelques décennies. Le docteur
Jekyll, un chercheur soucieux de séparer le bien et le
mal, décide de s'injecter une potion qu'il vient de concocter.
Ce faisant, sa personnalité se dédouble et Édouard
Hyde fait son apparition. "La pièce repose sur la
dualité, indique Catherine Ferland. D'un côté,
l'univers brillant du docteur, un monde plein de convenances
dans la bonne société anglaise, et de l'autre,
le monde secret du Londres souterrain, les tripots, la prostitution,
mais aussi la liberté."
Contrairement à bien d'autres productions sur ce même
thème, les deux auteures n'ont pas voulu trancher sur
la source du mal qui ronge le docteur Jekyll. Bien sûr,
sa fameuse potion joue certainement un rôle dans l'enchaînement
d'événements qui surviennent dans la vie du scientifique,
mais les deux conceptrices souhaitaient que le public se pose
des questions. "Aujourd'hui comme au 19e siècle,
le spectateur peut s'interroger sur la place d'une science toute
puissante dans nos sociétés", indique Annie
Breton. À entendre les deux jeunes femmes, il suffit de
penser aux débats sur le clonage humain pour comprendre
que les propos de la pièce restent d'actualité,
même si Stevenson a écrit sa nouvelle en 1886, l'année
où Pasteur met au point le vaccin contre la rage.
Barbe ou favoris?
Paradoxalement, même si les réflexions autour
de L'étrange mal du Dr Jekyll s'avèrent
très contemporaines, les auteurs et directrices artistiques
tiennent à donner à la pièce une couleur
historique très déterminée et réaliste.
Catherine Ferland et Annie Breton ont potassé de nombreux
livres sur l'époque victorienne pour respecter le plus
possible la réalité vestimentaire de ce temps-là,
mais aussi la posture physique des personnages, les bonnes manières
en usage, et même les critères capillaires de beauté.
"À la fin du 19e siècle, les modes évoluent
extrêmement rapidement, raconte Catherine Ferland. Avec
l'arrivée des magazines de mode, une année la redingote
s'allonge, l'autre elle raccourcit, on porte la barbe ou les
favoris." Soucieuses de ne commettre aucun faux pas historique,
les deux complices ont donc choisi de tirer l'aiguille et de
confectionner elles-mêmes costumes et chapeaux. Un graphiste
leur a également donné un coup de main pour la
fabrication des décors et de certains des accessoires.
"C'est un projet magnétique qui attire du monde,
remarque Annie Breton, Dès que nous avons fait passer
des auditions pour choisir la douzaine de comédiens dont
nous avions besoin, les gens se sont montrés très
enthousiastes." Des employés de l'Université
Laval, des étudiants, des diplômés. composent
la distribution, ce qui fournit aux deux directrices artistiques
une palette très variée adaptée aux différents
âges des personnages. Si pour l'instant les deux amies
se consacrent entièrement à la préparation
de la pièce, elles commencent déjà à
envisager la création d'un autre spectacle. Un spectacle
qui leur permettrait encore de faire découvrir un pan
d'histoire à un public à la recherche de divertissement.
La pièce L'étrange mal du Dr Jekyll sera
présentée les 14 et 15 février à
20 h et le 16 février à 14 h, à l'amphithéâtre
Hydro-Québec du pavillon Alphonse-Desjardins. Billets:
10 $ en prévente au local 2344 du pavillon Alphonse-Desjardins,
12 $ à l'entrée.
PASCALE GUÉRICOLAS
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