De l'idée au projet au produit
Entrepreneuriat Laval a donné à
la jeune firme Viridis Biotech le coup de pouce qui lui permettra
de lancer un hydrogel novateur sur le marché biopharmaceutique
Le célèbre proverbe "Dans les petits pots,
les meilleurs onguents" va comme un gant à la firme
Viridis Biotech. Transparent, inodore, le produit qui mobilise
les énergies des fondateurs de cette entreprise de Québec
depuis le milieu des années 1990 n'a à priori rien
de bien spectaculaire. Pourtant, l'hydrogel développé
par Marc Bossé et Rémi Laliberté risque
de changer grandement les techniques de détection sur
lames de microscope dans le secteur biopharmaceutique. En utilisant
ce polymère, les chercheurs peuvent en effet réduire
considérablement le temps nécessaire au diagnostic
lorsqu'il s'agit de repérer des protéines ainsi
que l'ADN ou l'ARN dans des tissus humains. La découverte
des deux diplômés de l'Université Laval pourrait
donc avoir d'importantes répercussions pour la recherche
sur les maladies chroniques puisqu'il facilite l'étude
de l'expression des gènes.
La firme Viridis Biotech est née d'une frustration, celle
de deux chercheurs en médecine expérimentale qui
jugeaient les techniques de détection longues et fastidieuses.
Marc Bossé et Rémi Laliberté travaillaient
sur des cellules en culture et des tissus qu'ils devaient examiner
sur des lames de microscope. Bien souvent, le travail n'avançait
pas car le liquide servant à colorer les tissus s'évaporait
ou débordait de la lame, ce qui endommageait le tissu
examiné. Les deux chercheurs ont alors commencé
à réfléchir à des façons de
pallier ces problèmes récurrents.
"Au début, nous avions pensé miniaturiser
une partie des lames de microscope, explique Rémi Laliberté.
Mais une étude de marché, effectuée par
des étudiants en marketing de la Faculté des sciences
de l'administration grâce à Entrepreneuriat Laval,
nous a convaincus que nous faisions fausse route." Dès
1996 en effet, Marc Bossé et Rémi Laliberté
avaient contacté Entrepreneuriat Laval pour obtenir des
conseils sur le démarrage d'entreprise. Quelques mois
auparavant, leur participation à Bio-Contact, un congrès
d'entreprises en biotechnologie organisé à Québec,
les avait convaincus du potentiel commercial d'un produit susceptible
d'améliorer les techniques de détection en laboratoire.
Chercheurs et squatteurs
À la suite des conclusions de l'étude de marché,
les deux scientifiques- entrepreneurs passent de longs mois à
chercher quel produit pourrait le mieux répondre aux besoins
des chercheurs. À cette époque-là, le financement
manque, et ils doivent même s'inscrire à un programme
de soutien du gouvernement du Québec aux travailleurs
autonomes. Installés ensuite dans des laboratoires annexes
au Centre de recherche de l'Hôpital Laval, ils effectuent
des contrats de service en biologie moléculaire pour faire
bouillir la marmite. "Il n'existait pas à ce moment
d'incubateur en biotech dans la région de Québec,
précise Rémi Laliberté. Il nous fallait
donc squatter des labos, car nous avions besoin d'équipements
très chers comme des congélateurs à 80
degrés Celsius ou une centrifugeuse pour travailler."
Parallèlement à leur recherche scientifique, les
deux fondateurs s'intéressent aussi, avec l'aide d'Entrepreneuriat
Laval, à la recherche de financement. Les personnes ressources
d'Entrepreneuriat Laval leur expliquent les principes du plan
d'affaires, et surtout comment adapter ce document à la
réalité d'une entreprise basée sur le savoir.
Les deux scientifiques apprennent rapidement à vulgariser
leurs propos pour rendre leur produit attrayant et compréhensible.
L'arrivée dans l'équipe de Bruno Laliberté,
diplômé en sciences de l'administration spécialisé
en finances, et frère de Rémi, va justement permettre
de pallier leurs lacunes du côté du financement.
Une bourse payante
"Je me souviens que nous avons imprimé à
toute vitesse notre plan d'affaires en plusieurs exemplaires
pour le transmettre avant la date limite au jury du concours
"De l'idée au projet" d'Entrepreneuriat Laval,
en 1999", raconte Bruno Laliberté. Leur obstination
a payé puisque Viridis Biotech a ensuite remporté,
avec son hydrogel, le premier prix national du Concours québécois
en entrepreneurship dans la catégorie "Innovation
technologique", assorti d'une bourse de 15 000 $. Le reste
du financement de 1,2 million de dollars a alors suivi, permettant
la création de sept emplois. Après une deuxième
ronde de financement ayant permis à Viridis Biotech de
récolter 1,6 million de dollars provenant essentiellement
de trois sociétés québécoises de
capital de risque, du Centre financier aux entreprises des Hautes
Marées (Caisse Desjardins de Sainte-Foy), et du Bureau
de la capitale nationale, l'entreprise souhaite désormais
commercialiser son hydrogel.
"Nous visons le marché américain avec l'aide
de deux personnes qui travaillent notamment à nous trouver
des distributeurs aux Etats-Unis et à conclure des alliances
stratégiques, indique le directeur financier Bruno Laliberté.
Nous travaillons aussi sur un projet d'usine pilote afin d'augmenter
la production." Pour l'instant en effet, l'équipe
loue des laboratoires proches d'un centre de recherche de l'Hôpital
Saint-François d'Assise, et partage certains de leurs
équipements. Tous les membres de l'équipe sont
convaincus de la pertinence du produit développé
à petite échelle. L'essor fulgurant de la recherche
en génétique devrait le rendre bientôt indispensable
pour les manipulations en laboratoire.
PASCALE GUÉRICOLAS
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