Notre télé est plus violente
TQS demeure le plus important diffuseur de violence
au Canada
Malgré les multiples campagnes de dénonciation
qui ont surgi dans l'opinion publique au cours de la dernière
décennie, la violence semble toujours omniprésente
sur les petits écrans de la télévision canadienne
et, plus particulièrement, au Québec.
C'est le troublant constat auquel en arrivent, une fois encore,
deux chercheurs de l'Université Laval, Guy Paquette et
Jacques De Guise, dans une recherche que vient tout juste de
publier le Centre d'études sur les médias de l'Université,
Principaux indicateurs de la violence présentée
sur les réseaux généralistes de télévision
au Canada, de 1993 à 2001. Cette récente étude
des deux professeurs du Département d'information et de
communication se veut la suite de leur précédente
enquête, dont les résultats avaient été
rendus publics, en 1999, sous le titre La violence à
la télévision canadienne, 1993-1998.
"Les actes de violence sont extrêmement nombreux à
la télévision canadienne et, d'année en
année, leur nombre ne cesse de croître, affirment
les auteurs. Si, comme le prétendent de nombreux chercheurs,
cette violence est susceptible d'avoir des effets antisociaux,
on peut conclure que les inquiétudes du public sont fondées.
Les mesures préconisées pour en contrôler
la prolifération à la télévision
n'ont donc pas été efficaces." Ces derniers
ont ainsi remarqué que les actes physiques violents ont
augmenté de 378 % de 1993 à 2001 (passant de 772
à 3 689, soit 16 294 au cours de cette période),
tandis que leur nombre à l'heure s'est accru de 355 %
(de 8,8 à 40,15). S'ils sont moins abondants, les actes
de violence psychologique ont tout de même connu une progression
considérable depuis 1994. Leur nombre s'est multiplié
par 2,7, évoluant de 1 063 à 3 947 en 2001, pour
un total de 10 883 durant ces six années.
Par ailleurs, les professeurs Paquette et De Guise ont eu recours
à un autre outil pour affiner leur analyse. En utilisant
un indice de toxicité (fondé sur les types d'actes
de violence, la gravité des blessures infligées,
la moralité de l'acte violent, l'utilisation d'une arme,
le caractère criminel ou non de l'action, l'approbation
ou non de l'action), ils ont pu de la sorte se rendre compte
que, si la quantité d'actes de violence ainsi que le nombre
de ceux-ci à l'heure sont en progression continue de 1998
à 2001, leur niveau moyen de toxicité, lui, est
en diminution depuis les deux dernières années,
soit 15,7 en 2000 et 11,7 en 2001.
Un mouton noir dans la bergerie
Ouvrons notre récepteur et regardons-y de plus près,
par le truchement des chercheurs qui ont "zappé"
entre les chaînes SRC, TQS, TVA, CBC, CTV et Global. Une
forte majorité (87,9 %) des actes de violence sont diffusés
pendant que les enfants sont encore installés devant la
télé, avant 21 h, observe-t-on. "Ce sont les
réseaux privés les réseaux commerciaux
qui diffusent le plus de violence, ce qui semble montrer
que sa présentation est rentable, notent Guy Paquette
et Jacques De Guise. Cette rentabilité nous renvoie au
phénomène de la demande: manifestement, la violence
plaît; elle attire le public, le même public qui
manifeste des inquiétudes à son sujet." Qui
plus est, les réseaux de langue française sont
plus violents que ceux de langue anglaise.
Depuis 1993, constatent les auteurs, c'est TQS qui diffuse le
plus de violence. À lui seul, il accumule 6 105 actes
de violence physique (soit 38 % de l'ensemble canadien), comparativement
à 3 641 pour TVA, à 2 932 pour Global, à
2 012 pour CTV, à 1 107 pour CBC et à 497 pour
la SRC (Société Radio-Canada). Le "mouton
noir" domine aussi au chapitre des actes de violence à
l'heure, avec une moyenne de 57,3 actes, soit presque deux fois
plus que le réseau TVA (28,5 actes). Par contre, les champions
de la violence psychologique ont pour antenne, de 1994 à
2001, Global (2 277 actes) et TVA (2 172 actes). Radio-Canada
se classe en tête de cette catégorie, en ce qui
a trait au nombre d'actes à l'heure (22).
"Notre violence est pour une très large part importée
des États-Unis, qui produisent pour nous mais aussi pour
la planète entière, soutiennent Guy Paquette et
Jacques De Guise. Les émissions produites au Canada et
au Québec, en particulier, ne contiennent que peu de violence
physique. Par contre, elles font largement appel à la
violence psychologique."
GABRIEL CÔTÉ
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