Des gnomes sur la pelouse
Selon Jocelyn Gadbois, le nain de jardin est
un billet pour l'imaginaire
Ils sont petits, souriants et grassouillets. Ils portent une
longue barbe blanche et sont coiffés d'un bonnet rouge
pointu. Enfin, ils ont à la main un objet, soit une lanterne,
un marteau ou autre. Ceux et celles qui ont vu le récent
film Le fabuleux destin d'Amélie Poulain auront
sans doute reconnu le nain de jardin dans cette description.
Peu répandues au Québec, ces statuettes de bonshommes
joviaux aux couleurs vives, apparues en Europe vraisemblablement
au début de la Révolution industrielle, font l'objet
d'un véritable engouement dans des pays comme l'Allemagne,
le Royaume-Uni ou la France. Les sites Internet qui leur sont
consacrés se multiplient. Même le chanteur Renaud
leur a dédié une chanson. "Il mettait du soleil
sur ma pelouse", chante-t-il à propos de son nain
de jardin qu'on lui a volé, "toutes les fleurs en
étaient jalouses."
Jocelyn Gadbois, étudiant au nouveau baccalauréat
intégré en anthropologie et ethnologie, s'est intéressé
au sens des nains de jardin dans le cadre du cours Introduction
à la culture matérielle. Dans ce dessein, il
a consulté un corpus de sources électroniques et
il a effectué une enquête ethnologique auprès
de trois propriétaires de nains de jardin de l'Outaouais
et de six jeunes adultes. Il présentera les résultats
de sa recherche le samedi 1er février en après-midi
à la salle 3D du pavillon Charles-De Koninck durant une
activité de la journée "Rencontre avec l'ethnologie".
Il a aussi écrit un article scientifique sur le sujet
qui paraîtra incessamment dans la revue canadienne Culture
& Tradition.
Le symbole de "nainporte" quoi
Le nain de jardin peut représenter bien des choses.
Il peut servir à l'ornementation du jardin et il peut
symboliser une valeur comme le travail. Il peut également
être un objet de bonheur par son côté amusant
et son éternel sourire. L'aspect kitsch, ou mauvais goût,
du gnome jardinier peut par ailleurs susciter la dérision.
Enfin, un tel objet peut servir de moyen d'expression. "Posséder
un nain de jardin, explique Jocelyn Gadbois, c'est se démarquer
en affirmant son individualité. Pour certains, il sert
à se dissocier de la culture élitiste et du modernisme
en art, pour d'autres à se dissocier de la culture de
masse."
Jocelyn Gadbois croit que le nain de jardin est avant toute chose
un "billet pour l'imaginaire". "C'est là
toute la particularité du nain de jardin, affirme-t-il.
Lui-même être imaginaire, il fait entrer dans un
monde immatériel, fantaisiste, féerique. Cela répond
à un besoin profond chez l'humain de s'évader de
son quotidien, de croire à un monde autre que le monde
réel." Le nain de jardin se voudrait donc une passerelle
entre la réalité et une sorte de royaume enchanté
à la Walt Disney. "D'ailleurs, indique Jocelyn Gadbois,
ce n'est pas un hasard que les gens les plus enclins à
posséder un nain de jardin aient comme caractéristique
d'avoir gardé leur coeur d'enfant."
En France, le phénomène des nains de jardin a entraîné
la création de groupuscules qui, sous le signe de la plaisanterie,
dérobent les gnomes à leurs propriétaires.
Le Front de libération des nains de jardin (FLNJ) est
l'un de ceux-là, lui qui a pour objectif de libérer
les gnomes de leur prétendue servitude pour les retourner
à leur milieu naturel, la forêt. Il y a quelques
mois, le site Internet du FLNJ faisait état de la première
action menée par l'Association des amis des nains de Québec.
À cette occasion, six gnomes avaient recouvré la
liberté.
YVON LAROSE
|