La beauté hospitalière
Des patients du Centre Robert-Giffard et des étudiants
de la Faculté de médecine proposent une réflexion
commune sur le corps et l'art
Les murs de la Salle d'exposition du pavillon Alphonse-Desjardins
participent ces jours-ci à une grande première.
Pour la première fois, les artistes de l'atelier "Vincent
et moi" du Centre hospitalier Robert-Giffard exposent leurs
oeuvres en même temps que celles des étudiants en
médecine de l'Université Laval. Une rencontre née
du désir de Diane Houle, étudiante en quatrième
année, de laisser libre cours à sa passion pour
les arts et de contribuer à faire tomber quelques préjugés
sur les personnes souffrant de maladie mentale.
"J'ai trouvé beaucoup d'émotions dans les
dessins des artistes du Centre hospitalier Robert-Giffard, raconte
Diane Houle. Leurs oeuvres ont du vécu, elles portent
leurs réflexions sur leur vie." Depuis deux ans,
le programme "Vincent et moi" permet de constituer
une banque d'oeuvres d'art à partir des créations
des personnes qui fréquentent ce centre hospitalier. Certaines
institutions comme le Musée de la civilisation ou le Théâtre
de la Bordée en exposent, tandis que d'autres décorent
les bureaux ou les couloirs de l'hôpital. "Les artistes
voient qu'ils sont reconnus pour leur talent artistique et non
pour leur maladie", précise François Bertrand,
psychologue au centre hospitalier.
Diane Houle a sélectionné une quinzaine d'oeuvres
qui expriment la frustration de leurs créateurs, ou leur
désir de s'en sortir grâce à des outils de
pouvoir magique. Ces dessins et peintures, qui représentent
essentiellement des corps et des visages, côtoient ceux
des étudiants en médecine qui ont envie d'oublier
l'anatomie l'espace d'une création. "En médecine,
on parle beaucoup du corps, des muscles, mais toujours du point
de vue de la maladie, explique la coordonnatrice de l'exposition.
Nous avions envie d'extérioriser notre obsession pour
le corps, de retrouver une certaine esthétique."
Les fusains de nus ressemblant à ces statues si populaires
sous la Renaissance italienne, ou ces photos mélangeant
allègrement des corps et des dessins, ainsi que les portraits
au trait net et précis permettent ainsi aux apprentis-médecins
de renouer avec la beauté. "La médecine est
un métier exigeant, constate Diane Houle qui a déjà
effectué plusieurs stages dans des hôpitaux au Mexique
et en Tunisie. Je crois que l'expression artistique nous offre
une échappatoire à la maladie. C'est une façon
de se faire du bien." Plusieurs des étudiants qui
participent à l'exposition partagent d'ailleurs ce point
de vue puisqu'ils poursuivent une formation artistique en parallèle
avec leurs études médicales. Une façon peut-être
de devenir des praticiens vraiment complets. "Le corps et
l'art" se tient jusqu'au 7 février à la Salle
d'exposition du pavillon Alphonse-Desjardins.
PASCALE GUÉRICOLAS
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