LE COURRIER
Non à la guerre contre l'Iraq
Il est bien tentant pour le Canada de prendre part à
l'initiative militaire américaine contre l'Irak, et ce
sans l'aval des Nations Unies. Une tentation dangereuse pouvant
nous entraîner dans une aventure inutile, coûteuse
et fort risquée tant sur les plans politique et humanitaire.
Heureusement, le premier ministre Jean Chrétien a rappelé
récemment son ministre de la Défense à l'ordre,
mais non sans certains atermoiements. On ne peut que louer la
position franco-allemande qui est pour le moins catégorique
à ce sujet. En effet, la France et l'Allemagne, par le
tandem Chirac/Schroeder savent dire NON à une telle aventure,
n'en déplaise à l'administration Bush. À
l'instar de Berlin et de Paris, le Canada devrait dire NON, en
dépit des craintes de représailles. C'est tout
de même un principe fondamental de la souveraineté
étatique pour un pays de décider si on va en guerre
ou pas.
La contribution canadienne devrait plutôt s'articuler autour
des efforts politiques et diplomatiques pour éviter un
conflit avec l'Irak. Le Canada pourrait ainsi jouer un rôle
plus utile en, notamment: exigeant la poursuite du travail des
inspecteurs de l'ONU, ce qui donne plus de temps à la
paix; réclamant ouvertement la levée des sanctions
commerciales contre l'Irak car une population affaiblie par le
blocus ne facilite en rien le renversement d'une dictature; en
faisant la promotion du respect des normes du droit international;
en favorisant une coopération avec l'Irak qui serait conditionnelle
à une démocratisation, à l'élimination
des armes de destruction massive et au respect des droits fondamentaux.
L'aide canadienne pourrait appuyer particulièrement les
organisations civiles et communautaires qui ont durement souffert
durant les12 années d'embargo.
Mais il revient d'abord et avant tout à nous, les citoyens,
de remettre nos responsables politiques dans le droit chemin
en les obligeant à adopter une politique étrangère
plus constructive, avant-gardiste et créative. Il convient
aussi de réclamer un vote libre au Parlement sur une question
aussi capitale. Les nombreuses manifestations pacifiques survenues
au Canada et ailleurs dans le monde, le 18 janvier, démontrent
bien ce que les masses populaires de différents milieux
peuvent faire pour faire entendre leur voix auprès de
leurs dirigeants. Cependant, la diplomatie est bien loin d'avoir
gagné la bataille et nous devons demeurer bien vigilants
et pro-actifs quant aux décisions émanant des hautes
sphères politiques.
YVON GAMACHE
Diplômé de l'Université Laval
Québec
Rescapons la forêt partout
Se considérant respectueuse des bonnes pratiques forestières,
voilà que l'industrie des pâtes et papiers, du sciage
et du déroulage des feuillus dit voir d'un il sympathique
la venue d'une enquête publique sur ses pratiques dans
la forêt du sud du Québec. Fort bien, quoiqu'il
restera à valider ce dire, sans compter que la forêt
du sud réclame davantage. Car il reste aussi à
dévoiler les milliers d'hectares de coupes annuelles émanant
des porcheries, dans leurs recherches effrénées
de sol pour épandre leurs millions de tonnes de purin
polluant. Non seulement il faut voir comment leur délinquance
viole l'esprit sinon la lettre de la loi de la protection des
sols agricoles, mais il faudra aussi voir auprès de qui
sont écoulés les arbres résultant de la
mise à sac de ces forêts de feuillus. Finalement,
objet premier et acteur de longue date du litige, il importe
de scruter méticuleusement et sans détours l'industrie
des pâtes et papiers, source de deux siècles d'incurie
et de domination économiques faite sur le dos des ressources
de notre grande forêt publique.
Pour revoir la question, l'Ordre des ingénieurs forestiers
du Québec propose de s'inspirer des constats de 1998 faits
par le ministère des Ressources naturelles du Québec,
puis des mémoires déposés à la commission
parlementaire tenue en 2000. Voilà qui dévoile
tout à coup une proposition surprenante, pour qui s'appliquerait
à réellement reconnaître la réalité
des problèmes qui affligent outrageusement nos forêts.
Faire ainsi ne manquerait pas d'entraîner la prolongation
de la situation actuelle, cette approche continuant de ne faire
intervenir encore et toujours que les mêmes acteurs incongrus
de nos forêts. Car il importe de bien comprendre que ce
sont justement ces études partiales qui ont servi à
revoir la loi sur les forêts en 2001, n'apportant que des
modifications superficielles en reconduisant somme toute le système
forestier désastreux entériné jusque là
par la loi de 1987.
J'ai défini le concept des réserves écologiques,
qui fut à la base de la loi de 1974, ayant pour but de
protéger des parties d'écosystèmes forestiers
uniques et représentatifs pour des fins de recherches.
Je me plaisais à croire à ce moment-là que
leur existence amènerait l'adoption de pratiques forestières
cohérentes et respectueuses, tant envers la nature qu'envers
notre système socio-économique forestier, pourtant
si essentiel à notre développement. Hélas,
la clairvoyance et l'intelligence de Kevin Drummond, le ministre
des Terres et Forêts de l'époque et auteur de cette
loi, n'auront pas suffi pour contrer l'accélération
de la razzia des prédations honteuses dont la forêt
continue d'être victime, car à peu près aucun
des ministres subséquents ne se sont portés garant
du développement durable. Tout comme j'ai été
à même de le constater dans des pays tropicaux,
je crains les conséquences lorsque viendra le jour où
cette exportation à outrance, qui est destructrice du
cycle séculaire de la vie de toutes forêts, se heurtera
bientôt à une source complètement tarie.
Par ailleurs, avec un groupe de citoyens préoccupés
d'environnement et de qualité de vie dans leur milieu
urbain, nous observons tous là aussi et avec dépit
la désinvolture avec laquelle les villes et municipalités
se considèrent autorisées à faire disparaître
leurs grandes forêts urbaines. Que de fois, le peu qu'il
en reste tombe victime de détournements du bon sens et
de l'appât du gain, sous l'égide de fallacieux prétextes
de développement, argument mille fois brandi. Pire encore
et comme si cela ne suffisait pas, elles sont aussi détruites
pour satisfaire aux exigences débridées de la dynamique
économique et du profit sans fin des intervenants du tout
à l'automobile, une hégémonie monopolistique
honteuse. Toutes ces dynamiques se posent à l'encontre
de la recherche de convivialité du citoyen avec sa nature
et d'une saine préoccupation envers notre bien commun.
Cette liquidation tous azimuts de nos ressources collectives
marque notre égoïsme sociétal immédiat
de rechercher à tout prix des billets verts destinés
à une consommation sans retenue, un attitude très
loin de la simplicité volontaire. Ce comportement n'entraînera
qu'appauvrissement et déstabilisation sociale pour nos
enfants, en outre de la détérioration écologique
actuelle de nos milieux de vie. Vivement, que surgisse une réelle
remise en question des sévices que subissent nos forêts
des bois, des champs, et des villes, puis qu'un tel exercice
ne puisse plus être neutralisé, ni en cour de route
ni à la dernière minute, par les forces de l'ombre!
GILLES LEMIEUX
Département des sciences
du bois et de la forêt
|