21 novembre 2002 |
"Les régions arctiques ne sont pas en situation
de pénurie alimentaire et l'on peut parler d'une sécurité
alimentaire relative pour l'Arctique nord-américain et
le nord de la Scandinavie", affirme Gérard Duhaime,
professeur au Département d'économie agroalimentaire
et des sciences de la consommation et chercheur principal au GÉTIC
(Groupe d'études inuites et circumpolaires) de l'Université
Laval. Selon lui, un des principaux obstacles à l'accroissement
de la sécurité alimentaire dans l'Arctique en général
est le peu de pouvoir dévolu aux autorités locales
ou régionales. "Dans l'Arctique nord-américain,
explique-t-il, la capacité des décideurs locaux
et régionaux d'influencer leur milieu demeure déficiente.
Un exemple de ça est qu'ils n'ont à peu près
rien à dire sur un enjeu comme la commercialisation de
la viande sauvage."
Les 14 et 15 novembre, avait lieu à Québec un symposium
international sur la sécurité alimentaire durable
dans l'Arctique, organisé par le GÉTIC. Une soixantaine
de chercheurs du Canada, d'Alaska, du Groenland, des Barents euro-arctiques
(Finlande, Norvège) et de Russie ont présenté
les résultats de leurs travaux réalisés comme
membres d'une équipe internationale et pluridisciplinaire
dirigée par Gérard Duhaime. L'Arctique constitue
un territoire gigantesque et sous-peuplé. À lui
seul, le Nunavik québécois couvre une superficie
de 500 000 kilomètres carrés, pour une population
d'à peine 10 000 habitants.
Des enjeux majeurs
Selon Gérard Duhaime, l'Arctique nord-américain
est le théâtre d'enjeux majeurs reliés à
la sécurité alimentaire, comme l'accès économique
aux aliments, la part croissante de nourriture importée
et les émissions polluantes provenant du Sud. "Là-bas,
dit-il, la majeure partie des aliments consommés quotidiennement
vient du Sud. Environ la moitié de la viande est importée.
Les familles, elles, sont en moyenne plus nombreuses qu'ici et
consacrent facilement 40 % de leur budget à la nourriture.
Et ce n'est pas un problème qui va s'amoindrir, vu que
la population est très jeune et en croissance rapide."
Dans l'Arctique nord-américain, les revenus sont en général
à peu près équivalents à ceux que
l'on trouve au Sud. D'autre part, les aliments secs, acheminés
en gros volumes une fois l'an par bateau aux villages côtiers,
se vendent à des prix très proches de ceux qui sont
en vigueur dans les régions métropolitaines méridionales.
Malgré cela, le panier d'épicerie coûte facilement
une fois et demie à deux fois plus cher qu'au Sud. La cause:
les aliments frais acheminés en petites quantités
et à intervalles réguliers, par avion ou par hélicoptère.
Pollution transfrontalière
Sur le plan environnemental, l'aire circumpolaire reste encore
aujourd'hui un territoire généralement propre avec
une faune en bonne santé. Cela dit, il existe des traces
évidentes de pollution. L'Arctique nord-américain,
par exemple, est aux prises, entre autres, avec des organochlorés
et des métaux lourds émis dans les zones industrielles
du Sud. Ces contaminants sont transportés par le vent ou
par les courants marins. Ils se retrouvent notamment dans le gras
de certains mammifères marins comme la baleine et le phoque,
ou dans certains organes de mammifères terrestres. "Il
a été démontré que des aînés
inuits, ayant consommé toute leur vie de la viande provenant
de ces animaux, avaient une charge corporelle de contaminants
supérieure à celle d'autres catégories d'individus,
indique Gérard Duhaime. Cependant, cette charge se situait
en dessous des normes acceptables."
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