21 novembre 2002 |
Branché ou pas branché? L'expression est devenue
tellement courante, aujourd'hui, dans certains aspects de notre
quotidien comme ceux de la technologie ou des modes culturelles,
que celle-ci occulte parfois une réalité moins drôle,
dans laquelle se débattent de jeunes adultes aux prises
avec l'interrogation existentielle du choix de carrière.
"Alors, ça vient: es-tu branché ou pas, à
la haute vitesse décisionnelle?"
"Le plus souvent, l'indécision est vécue difficilement
par les jeunes parce qu'elle est jugée comme une tare,
dans une société qui valorise la compétition,
la performance, la course à la réussite sociale
et qui a besoin de certitude", constate Mireille Tesolin,
conseillère d'orientation au Centre d'orientation et de
consultation psychologique de l'Université Laval. À
ses yeux, l'indécision, l'incertitude, le questionnement
et le "requestionnement", au début de la vie
d'adulte notamment, sont des attitudes normales, voire souhaitables
pour assurer une saine évolution de la personne dans toutes
ses dimensions, c'est-à-dire ses intérêts,
ses préférences, ses besoins, ses aptitudes, ses
aspirations une saine évolution, en somme, de son identité
et de sa personnalité.
"L'identité professionnelle se construit, petit à
petit, tout au cours de la formation et d'une vie professionnelle
qui devrait se dérouler sous le signe de la souplesse,
signale-t-elle. C'est précisément quand cela ne
se produit plus que l'on éprouve le besoin de changer d'orientation
professionnelle. Si on évitait de juger les besoins de
changement de cap comme la manifestation encore malheureuse d'un
flottement d'idées, sous-tendant que l'on s'est trompé,
il serait plus facile pour nos jeunes de faire des choix."
Un choix signifiant
Qu'en est-il alors du "bon choix"? Est-il réaliste
de croire que tout jeune adulte de 20 ans ou de 25 ans sera en
mesure de choisir de façon définitive l'orientation
qu'il entend donner à son projet professionnel? "Nous
devrions plutôt, comme parents, enseignants ou conseillers,
viser à développer la capacité du jeune non
pas à faire "le bon choix", mais à faire
un choix signifiant pour lui au moment où il le fait, et
viser à développer également sa capacité
de se projeter dans un avenir rapproché, et non pas dans
une profession dans laquelle il pourra être certain d'avoir
envie de "faire ça toute sa vie"", répond
Mireille Tesolin.
La conseillère d'orientation se dit plus préoccupée
par la souffrance que vivent les jeunes tiraillés par le
doute que par le questionnement lui-même. "Je crois
qu'une partie importante de mon rôle social comme conseillère
d'orientation est d'aider la personne à dédramatiser
l'indécision et le doute, de l'aider à développer
la capacité de vivre avec l'incertitude, tout en s'engageant
dans un projet par lequel elle pourra construire un sentiment
de continuité, voire d'identité, explique Mireille
Tesolin. D'ailleurs, le marché du travail actuel ne peut
nous garantir davantage de certitude. Alors, mieux vaudrait apprendre
à vivre avec."
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