17 octobre 2002 |
Des chercheurs du Centre de recherche en biologie forestière
ont mis au point une méthode originale pour dénombrer
les oiseaux forestiers pendant l'hiver. Ils leur font entendre
un enregistrement de cris de mésanges qui houspillent et
ils dénombrent ensuite les oiseaux qui sortent de leur
planque en réponse à ces appels. Testée dans
la région de Kamouraska pendant trois hivers consécutifs,
de 1998 à 2001, la méthode a permis d'observer quatre
fois plus d'espèces et dix fois plus d'oiseaux que la simple
observation silencieuse, rapportent Yves Turcotte et André
Desrochers, dans le dernier numéro du Journal of Field
Ornithology.
Le cri de "houspillage" (une sorte de dee-dee-dee-dee,
répété en séquences rapides) est émis
par les mésanges lorsqu'elles repèrent, dans leurs
parages, un prédateur qui ne représente pas une
menace immédiate pour elles. "Il pourrait s'agir d'un
message adressé au prédateur, signifiant "nous
savons que tu es là", ou bien d'une sorte de bravade
macho pour épater les congénères de
sexe opposé ou encore un appel de solidarité pour
assurer une défense collective, avance André Desrochers.
On ne connaît pas la fonction exacte de ce comportement
ésotérique, mais il a des retombées pratiques
intéressantes pour nous parce qu'il provoque des attroupements.
C'est une sorte d'aimant à oiseaux. Chez les mésanges,
ce comportement attire d'autres spécimens de la même
espèce, mais aussi des oiseaux d'autres espèces,
comme une sirène de pompiers ou de policiers provoque un
rassemblement de personnes."
Un tube
Les inventaires d'oiseaux réalisés à
l'aide de cette méthode permettent "un plus grand
retour sur l'investissement", affirme le professeur du Département
des sciences du bois et de la forêt. "C'est un outil
intéressant pour dénombrer des espèces rares
ou difficiles à observer." La méthode est particulièrement
pratique pour les inventaires d'hiver parce que, comme les oiseaux
ne chantent pas pour défendre leur territoire, ils sont
beaucoup plus discrets. Elle peut également s'avérer
très utile pour étudier le succès de nidification
dans des milieux où les nids sont difficiles à observer
à cause de la densité de la végétation.
C'est le cas notamment à la forêt Montmorency, signale
André Desrochers. "Pour prouver que les oiseaux nichent,
il faut observer des adultes qui transportent de la nourriture
dans leur bec, explique-t-il. C'est beaucoup plus facile d'y arriver
en diffusant un enregistrement de "houspillage" de mésanges."
André Desrochers a eu recours à un subterfuge pour
obtenir l'enregistrement de "houspillage" de mésanges
qui lui sert depuis pour ses travaux. Il a installé un
Petit duc naturalisé dans un boisé de Lac Beauport
et, à l'aide d'un microphone parabolique, il a enregistré
les vocalisations des mésanges en réaction à
la présence du flegmatique intrus. "Cet enregistrement
est en voie de devenir un grand succès chez les ornithologues
nord-américains, parce que j'ai reçu de nombreuses
demandes de la part de chercheurs qui voulaient l'utiliser pour
leurs propres études", lance-t-il, à demi sérieux.
Jusqu'à présent, le professeur Desrochers a dénombré
plus de 100 espèces qui répondent au "houspillage"
de la mésange à tête noire.
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