10 octobre 2002 |
C'est un véritable pavé dans la mare que Simon Langlois,
professeur titulaire au Département de sociologie, a lancé,
le mardi 1er octobre, en commission parlementaire à l'Assemblée
nationale du Québec. Le mémoire qu'il a présenté,
relativement au projet de loi 112 visant à lutter contre
la pauvreté et l'exclusion sociale, remet en effet en question
l'écart observé entre le Québec et l'Ontario
dans les données de 1998 de Statistique Canada sur le faible
revenu. Selon Simon Langlois, des études menées
par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) et par
le ministère de la Solidarité sociale du Québec
(MSSQ), en collaboration avec Statistique Canada, révèlent
que l'écart, qui était à l'avantage de l'Ontario,
disparaît à toute fin pratique. "Après
impôt, explique-t-il, la proportion de ménages à
faible revenu au Québec serait de 8,6 % en 1998, contre
8,9 % en Ontario. Autre constat: la proportion de ménages
à faible revenu serait en régression au Québec,
étant passée de 9,5 % à 8,6 % entre 1996
et 1998. Il en va de même pour l'examen de la proportion
de personnes vivant sous le seuil de faible revenu qui s'établit
à 12, 5 % au Québec et à 11, 9 % en Ontario.
On est loin du constat alarmiste véhiculé dans les
médias ou dans les discours de certains militants."
Dans ses calculs, Statistique Canada utilise le Seuil de faible
revenu (SFR), une mesure fondée sur les dépenses
des Canadiens pour le logement, l'habillement et l'alimentation.
Pour leurs études, l'ISQ et le MSSQ ont demandé
à l'organisme fédéral de recalculer le SFR.
"Statistique Canada a pris comme point de référence
la province, le Québec et l'Ontario séparément,
et non pas le Canada dans son ensemble, afin de neutraliser l'effet
des différences de coût de la vie entre les deux
provinces voisines, indique Simon Langlois. Une autre correction
a été apportée tenant compte du caractère
fort progressif de l'impôt sur le revenu au Québec."
Un phénomène difficilement mesurable
La pauvreté est une chose relative, selon qu'on la
vive dans une grande ville ou en région éloignée.
Le phénomène se complique du fait que les besoins
de base des personnes démunies sont plus ou moins extensibles
et changeants dans le temps. La population de pauvres est par
ailleurs mouvante. Une étude publiée en 1997 par
Statistique Canada indique en effet que ce phénomène
constitue un état temporaire ou transitoire pour une proportion
importante des ménages. Mortalité, divorce ou perte
d'emploi sont des causes fréquentes d'entrée dans
la pauvreté.
Simon Langlois plaide pour la définition d'une mesure officielle
de la pauvreté au Canada. "Ce n'est pas vrai, soutient-il,
qu'on ne peut pas mesurer la pauvreté. Il existe aujourd'hui
plusieurs approches validées pour ce faire. On mesure bien
le produit intérieur brut. Cela dit, cette mesure ne sera
pas parfaite. Aucune ne l'est." Dans le même ordre
d'idée, ce dernier prône la mise sur pied d'un observatoire
sur la pauvreté et l'exclusion sociale. Cet organisme impartial
pourrait entre autres fournir des données ventilées
sur une base régionale.
Dans son mémoire, Simon Langlois rappelle que le discours
dominant sur les inégalités socioéconomiques
est en général fort pessimiste. "Il est vrai
que les inégalités de revenus ont été
à la hausse durant les années 1990, souligne-t-il.
Pourtant, les données disponibles montrent que l'action
de l'État-providence en matière de redistribution
des revenus aux plus démunis par solidarité sociale
continue d'être efficace. Les inégalités observées
entre les ménages sont considérablement réduites
par ces deux grands mécanismes de réduction des
inégalités que sont l'impôt sur le revenu
et les paiements de transfert aux individus."
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