10 octobre 2002 |
Ah! cette joie sans pareille de redécouvrir ses
"classiques"! Surtout lorsque l'oeuvre qui nous est
chère revêt le costume d'un tout autre apparat et
qu'elle nous est servie sur le plateau divinement apprêté
d'arrangements harmoniques qui la rapprochent de sa fibre originelle.
Célébrée sur tous les continents par une
pléthore d'orchestres d'allégeance symphonique,
la fameuse Rhapsody in Blue de George Gershwin (1898-1937)
est réapparue dans notre voisinage, aux premières
lueurs de l'été 2002, poussée par l'irrésistible
souffle grisant de l'Ensemble vent et percussion de Québec.
Cette formation d'une soixantaine de musiciens, en résidence
à la Faculté de musique et dirigée d'une
main de maître par René Joly, démontre une
fois de plus, à la suite du lancement de son troisième
disque compact, intitulé Harmony in Blue (ATMA ALCD2
1029), qu'elle appartient, sans l'ombre d'un doute, aux ligues
majeures de ces phalanges dévouées, dans la pleine
mesure de leur âme et de leur art, à la noble cause
d'une créativité et d'un répertoire plus
souvent qu'à leur tour tenus à l'écart des
salles de concert.
Son lever de rideau sur la composition qui a catapulté
Gershwin au firmament du vedettariat, propulsée d'entrée
de jeu par l'expressif glissando parfaitement maîtrisé
du clarinettiste Marcel Rousseau, a l'effet d'une douche chaude.
Car, avouons-le, l'orchestration de Donald Hunsberger d'une Rhapsody
in Blue pour piano et ensemble à vent imprègne
à cette oeuvre - à la souche populaire accommodée
à la sauce classique - une chaleur jazzifiante porteuse
d'un engouement pianistique frayant admirablement mieux avec le
ragtime des speakeasies (débits d'alcool clandestins)
ou des petites salles de cinéma muet qu'avec la pompe rhapsodique
du grand amphithéâtre pour concertiste (pensons ici
aux interprétations très relevées d'un Earl
Wild avec le Boston Pops ou d'un Leonard Bernstein avec le Columbia
Symphony). D'un bout à l'autre, soulignons-le, le pianiste
Gérald Levesque y est d'un toucher imparable.
Et comment ne pas être ravi, peu après, de découvrir,
derrière le glacial carcan du passéiste rideau de
fer soviétique, un Dimitri Chostakovitch (1906-1975) aux
antipodes du déprimant tourment symphonique auquel il nous
avait habitués? Arrangée par Johan De Meij, sa Suite
de jazz no 2 nous présente le peu exubérant
Dimitri sous des dehors on en peut plus joyeux, esquissant ici
et là quelques sourires et plongeant à pleines mains
dans le répertoire tantôt enlevant, tantôt
amusant des airs inspirés du terroir où l'accordéon,
le saxophone et les percussions "swinguent leur compagnie"
de leurs envolées frivoles.
Un vent d'allégresse pousse finalement l'EVPQ à
poser le pied dans la vallée d'Aoste, au nord-ouest de
l'Italie, et à insuffler aux contrastantes strophes temporelles
et atmosphériques du Poème montagnard du
talentueux Jan Van der Roost (né en 1956) une vivifiante
énergie éolienne déclamatoire, et ce dans
les moindres inflexions discursives pictographiant le lyrique
ou le spectaculaire. Une splendeur! En un mot comme en mille,
Harmony in Blue emballe de la première à
la dernière seconde et l'on pourrait, sans se faire prier,
égrener des minutes durant une interminable litanie de
superlatifs qui oscillerait entre l'admirable et le zénithal.
Le disque de l'Ensemble vent et percussion de Québec a
été superbement enregistré (par Dominic Laprise)
à la salle Henri-Gagnon, au pavillon Louis-Jacques-Casault,
les 12, 18 et 19 janvier 2002. Il a été réalisé
grâce à une subvention du programme "Soutien
à la création en milieu universitaire de l'Université
Laval". On peut se le procurer (au prix de 15 $) au secrétariat
de la Faculté de musique, situé au 3312, pavillon
Louis-Jacques-Casault, et chez tous les bons disquaires.
Signalons que l'EVPQ l'Ensemble vent et percussion de Québec
se produira en concert les 16 et 17 novembre à la salle
Henri-Gagnon du pavillon Casault . Au programme: la Sinfonia
Hunarica de Jan Van der Roost et la création d'une
oeuvre de Robert Lemay. Billets en vente sur le réseau
Billetech. Le prix d'entrée sera de 12 $ pour les étudiants
et de 17 $ pour le public, frais de service inclus.
GABRIEL CÔTÉ
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