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10 octobre 2002 ![]() |
Dossier vedette dans l'actualité depuis quelques mois,
le conflit canado-américain autour du bois d'oeuvre mérite
que des étudiants en formation dans le domaine s'y attardent.
Voilà pourquoi une des conférences organisées
dans le cadre du Mois de la foresterie, de la géomatique
et de la géographie, portait sur cette épineuse
question. Devant un public très attentif, André
Darcy, chef du Service des études économiques et
commerciales au Ministère des ressources naturelles, a
levé le voile sur une mésentente qui dure depuis
deux décennies.
La saga judiciaire à propos du bois d'oeuvre remonte en
effet à 1982, date à laquelle les États-Unis
accusent pour la première fois le Canada de subventionner
son industrie forestière. Suivent ensuite plusieurs accusations
de dumping, puis de subventions trop élevées. Chaque
procédure s'avère fort fastidieuse, comme le précise
André Darcy. "Les Américains nous envoient
5 000 pages de questionnaire, qu'il faut renvoyer en 50 copies.
La dernière fois, il nous a fallu utiliser deux pièces
pour entreposer le papier. Les réponses servent ensuite
à évaluer le niveau de subvention."
Une surtaxe mortelle
On s'en souvient, la dernière plainte américaine
devant la Commission internationale du commerce a eu pour effet
de voir le Canada se faire imposer une taxe de 27,22 % sur tout
bois d'oeuvre exporté aux États-Unis, en compensation
du risque de préjudice pour l'industrie américaine.
Bizarrement, cette surtaxe qui aurait dû provoquer une hausse
du prix du bois a eu l'effet contraire. Les prix de vente ont
baissé car les producteurs ont mis davantage de billots
sur le marché. Malgré tout, les effets de cette
surtaxe risquent d'être dévastateurs pour l'industrie
d'ici, qui exporte près de 60 % de sa production aux États-Unis,
et plusieurs entreprises pourraient fermer ou se faire racheter.
Des milliers de travailleurs vont peut-être bientôt
perdre leur emploi, menaçant directement la survie de près
de 250 municipalités québécoises qui vivent
de l'exploitation forestière.
Au-delà des querelles byzantines entre avocats, la conférence
d'André Darcy a eu le mérite d'éclaircir
certains points de désaccord entre Américains et
Canadiens. Le fonctionnaire a ainsi expliqué que notre
voisin du Sud se base sur un prix de vente du bois très
élevé pour accuser le Canada de trop subventionner
l'industrie. En effet, les arbres abattus dans le Maine ou ailleurs
sont plus gros que ceux abattus au Nord et valent donc plus cher.
Or, le bois canadien, souvent de moindre qualité, se vend
moins cher. Selon les Canadiens, il ne faut donc pas parler de
subventions mais de différence dans la qualité du
bois vendu.
Un faux débat
Les Américains ont également coutume de dire
que le Canada devrait changer son régime forestier si les
deux parties veulent s'entendre pour régler le dossier
du bois d'oeuvre. Nos voisins du Sud soutiennent que le gouvernement
exige de l'industrie des droits de coupe trop bas, puisque les
forêts sont publiques à 90 %, et que ces faibles
redevances versées au Ministère des ressources naturelles
constituent une forme déguisée de subventions.
Pourtant, à en croire André Darcy, il s'agit d'un
faux débat. En fait, les forêts américaines
appartiennent surtout à des fonds de pension qui chercheraient
à augmenter la rentabilité de leurs actifs. Pour
ces propriétaires privés, il est primordial de réduire
l'offre de bois disponible sur le marché américain
afin d'augmenter les droits de coupe et de voir le rendement de
leur forêt progresser sensiblement. Ainsi, en 1992, le Canada
et les États-Unis sont passés à deux doigts
d'une entente sur le dossier du bois d'oeuvre. Cependant, le lobby
de la coalition américaine de l'industrie forestière
a ruiné les efforts des partenaires en exigeant que les
Canadiens se voient imposer des quotas pour le bois exporté.
Pour André Darcy, la solution pour résoudre le
conflit sur le bois d'oeuvre est en grande partie politique. Selon
lui, il appartient au gouvernement américain de restreindre
les appétits de la coalition de l'industrie forestière.
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