12 septembre 2002 |
Ceux et celles qui, parmi les chercheurs et chercheures, sont
mécontents des directives régissant l'éthique
de la recherche, ont la chance de faire modifier les règles
du jeu. En effet, les trois grands conseils subventionnaires fédéraux
ont ouvert la porte à une révision de l'énoncé
qui régit l'éthique de la recherche au Canada -
et, conséquemment, le travail du Comité d'éthique
de la recherche de l'Université (CÉRUL). Cette révision
a pour but de mieux tenir compte des spécificités
de la recherche en sciences humaines et sociales. "C'est
l'occasion pour nous de faire entendre notre voix, au lieu de
simplement râler contre le travail du Comité d'éthique",
affirme Florence Piron, professeure-chercheure au Département
de sociologie et membre du CÉRUL.
Rappelons qu'en 1998, les trois grands conseils subventionnaires
(IRSC, CRSNG et CRSH) adoptaient un énoncé de politique
commun sur l'éthique de la recherche menée avec
ou sur des êtres humains (www.sshrc.ca/francais/renseignements/politiques/ethique.html).
Cette politique ratisse large: toute recherche impliquant des
sujets humains tombe sous son joug, même si elle ne comporte
pas d'expérimentation (exemple: questionnaire, entrevue,
observation). Tout en préservant le principe de la liberté
des chercheurs, l'énoncé insiste sur leurs droits
et devoirs et sur les normes à respecter. L'énoncé,
signalaient les trois conseils au moment de son adoption, est
un "document évolutif" qui sera révisé
constamment afin de refléter les préoccupations
scientifiques et sociales de l'heure.
Il semble que cette heure soit maintenant venue. En main dernier,
un organisme représentant les trois conseils fédéraux
lançait un appel à la communauté des chercheurs
en sciences humaines et sociales pour recevoir des suggestions
afin de mieux adapter l'énoncé à leurs réalités.
Florence Piron estime qu'il faut sauter sur l'occasion. "L'énoncé
est axé sur la recherche biomédicale, souligne la
chercheure. Il repose sur le consentement écrit du sujet
et il est essentiellement pensé en fonction des effets
cliniques d'une expérimentation. Que fait-on lorsqu'on
étudie des personnes qui sont illettrées ou qui
ne comprennent pas la teneur de l'énoncé?",
demande-t-elle. Comme l'énoncé est centré
sur l'individu, il ne tient pas compte d'aspects éthiques
relevant des groupes de personnes, poursuit la chercheure. "Que
doit-on faire, par exemple, des recherches qui risquent d'avoir
des impacts sur des immigrants, des groupes sociaux, des personnes
qui vivent des situations d'oppression ou des populations qui
se retrouvent dans des régions en guerre ou dans des camps
de réfugiés? Ce sont là des enjeux éthiques
importants dont l'énoncé ne tient pas compte dans
sa forme actuelle."
Mémoire d'octobre
Florence Piron s'est engagée à rédiger
un mémoire sur la question, au nom du CÉRUL. Pour
que le mémoire reflète de façon la plus adéquate
possible les préoccupations des chercheurs, elle invite
tous ceux qui ont quelque chose à dire concernant l'éthique
de la recherche sur les sujets humains à lui acheminer
leurs idées. Celles-ci peuvent être communiquées
par courriel (cer@vrr.ulaval.ca, en indiquant "CONSULTATION"
comme sujet du message) ou par téléphone (523-4159),
d'ici le 10 octobre. "La forme importe peu. Mon rôle
est de canaliser les idées et de préparer une synthèse
qui fera l'objet d'une consultation, ouverte à toutes personnes
intéressées." Le mémoire final sera
acheminé à Ottawa à la fin d'octobre. "S'il
y a quelque chose qui nous déplaît dans le cadre
éthique actuel, c'est l'occasion d'apporter des changements
de fond", insiste Florence Piron.
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