12 septembre 2002 |
La quantité de chloroforme absorbé par les poumons
ou par la peau en prenant une douche demeure largement sous la
dose pouvant causer des cancers. En fait, considérant les
caractéristiques de l'eau de la région de Québec,
il manquerait d'heures dans une journée pour prendre suffisamment
de douches pour courir le moindre risque!
C'est ce que révèle une étude publiée
dans un récent numéro du Journal of Toxicology
and Environmental Health, par un groupe de chercheurs de la
Faculté de médecine. Cette équipe voulait
ainsi répondre à une préoccupation concernant
les normes sur le chloroforme dans l'eau potable. En effet, le
chlore utilisé pour traiter l'eau présente le fâcheux
inconvénient d'entraîner la formation de trihalométhanes.
Cette famille de composés chimiques - dont le plus illustre
membre est le chloroforme - proviennent d'une réaction
entre le chlore résiduel libre et la matière organique
naturelle présente dans l'eau. Ils n'affectent pas l'odeur
ni la saveur de l'eau, mais, en concentrations élevées,
on les soupçonne de causer le cancer. Les autorités
médicales ont donc établi des normes pour le chloroforme,
mais celles-ci reposent uniquement sur l'eau ingérée,
sans tenir compte de l'absorption par inhalation ou par la peau.
Cette façon de faire sous-estime l'exposition domestique
de chloroforme puisque, selon certaines études, la moitié
de l'exposition domestique au chloroforme proviendrait de la douche.
Des chercheurs avancent même que la dose de chloroforme
absorbée pendant une douche équivaut à boire
deux litres d'eau.
Sans danger?
Benoît Lévesque, Pierre Ayotte, Liliane Ferron,
Suzanne Gingras, Guy Gingras, Patrick Levallois, Éric Dewailly,
de l'Université Laval, et leurs collègues montréalais
Robert Tardif et Emmanuelle Schlouch ont recruté 18 de
leurs collègues de travail pour tirer la question au clair.
Ils se sont rendus au domicile de leurs cobayes pour mesurer la
présence de chloroforme dans l'eau, dans l'air ambiant
de la salle de bain et dans l'air de leurs poumons, avant et après
une douche de 10 minutes. Ils ont ainsi trouvé que, après
une douche, la concentration de chloroforme grimpe par un facteur
15 dans l'air ambiant et par un facteur 7 dans les poumons; ces
valeurs reviennent cependant à leur niveau de base en 30
minutes.
Les chercheurs ont estimé que l'absorption de chloroforme
attribuable à la douche est 26 000 fois plus basse que
la dose critique provoquant des cancers chez les animaux. En tenant
compte de toutes les sources de chloroforme à la maison
(eau ingérée, douche, lessive, vaisselle), le sujet
le plus exposé au chloroforme demeurait toujours 6 000
fois sous la dose critique. "Nous jugeons que, pour le chloroforme
du moins, il y a un bon coussin de sécurité",
affirme Benoît Lévesque. Il ne faut pas craindre
les problèmes de somnolence non plus, poursuit le chercheur,
parce qu'ici encore, les concentrations mesurées dans l'air
ambiant sont beaucoup trop faibles.
Alors, sans danger la douche? "Pour le chloroforme, ça
semble très sécuritaire, répond Benoît
Lévesque. Par contre, je ne peux pas me prononcer sur les
autres contaminants de l'eau potable. Certains d'entre eux sont
maintenant considérés comme plus cancérigènes
que le chloroforme."
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