12 septembre 2002 |
Il y a trois siècles, plus précisément
au mois de juillet 1701, le Français Antoine Laumet dit
de Lamothe Cadillac fonde Détroit. Une centaine de soldats
et de civils l'accompagnent. L'emplacement est situé à
plus de 1 000 kilomètres de Montréal au coeur des
Grands Lacs, dans l'immense région dite des Pays-d'en-Haut,
un très important réservoir de fourrures. Un voyage
d'un mois et demi à deux mois en canot - avec de nombreux
portages - est nécessaire pour atteindre cet endroit. En
plus d'un poste de traite, le lieu comprend dès sa fondation
un fort militaire et une mission. Il a aussi une vocation de peuplement.
Lina Gouger, gestionnaire de projet pour le Centre canadien de
généalogie aux Archives nationales du Canada, a
soutenu récemment sa thèse de doctorat en histoire.
Son étude, qui porte sur le peuplement colonisateur de
Détroit de 1701 à 1765, vient combler un vide dans
les recherches sur le phénomène migratoire canadien
au XVIIIe siècle.
Selon Lina Gouger, Détroit à ses débuts illustre
avec le plus de force la dichotomie de la politique de peuplement
de la France en Amérique du Nord. "Alors que les autorités
métropolitaines tentaient de limiter le développement
de la colonie aux rives du Saint-Laurent, explique-t-elle, tout
un réseau de postes de traite et de forts militaires est
développé et maintenu à l'ouest de Montréal,
des Grands Lacs jusqu'à la Louisiane, dans le but de protéger
l'hégémonie française sur le continent. Ces
postes servent d'ancrage à la circulation d'une population
toujours plus nombreuse et impliquée, pour l'essentiel,
dans le commerce des fourrures. Certains de ces postes donnent
même naissance à des îlots de peuplement. Détroit
comptera ainsi près de 900 habitants en 1765."
À l'apogée de l'expansion française
Trois colonies forment la Nouvelle-France au début
du XVIIIe siècle: l'Acadie, le Canada et la Louisiane (fondée
en 1699). La Nouvelle-France est à son apogée et
sa population totale s'élève à environ 15
500 habitants.
Lina Gouger insiste sur le caractère distinct de Détroit
à ses débuts. D'abord, il y a l'importance du commerce
des fourrures comme activité économique. En comparaison,
les peuplements de la vallée du Saint-Laurent ont une vocation
agricole. Ensuite, des militaires de la garnison s'établissent
sur place. Il y a aussi les avantages accordés par le plan
agricole gouvernemental, au milieu du siècle, aux colons
en provenance de la vallée laurentienne. "Des vivres
pour l'ensemble de la famille pendant douze à dix-huit
mois, le transport des personnes et des biens aux frais de l'État,
le don d'outils agricoles et d'animaux de basse-cour, la concession
d'une terre, etc., c'est une véritable politique de peuplement
qui est appliquée à l'établissement de Détroit",
affirme Lina Gouger.
Les migrants ont bien souvent de la parenté sur place,
ce qui contribue à leur enracinement. La sociabilité
s'exerce aussi en dehors des liens de parenté, en particulier
à l'endroit des marchands de fourrures, du notaire ou du
chirurgien. "Les familles qui migrent à Détroit
sont en proportion plus nombreuses et plus jeunes que dans les
peuplements de la vallée laurentienne, indique Lina Gouger.
Quant aux hommes célibataires, ils sont peu nombreux à
aller à l'extérieur chercher une épouse en
raison des ressources matrimoniales assurées très
tôt sur les lieux par la présence familiale."
Ces célibataires proviennent de familles nombreuses et/ou
brisées. Ils choisissent habituellement la migration comme
moyen d'améliorer leur sort. Globalement, les migrants
s'établissent à Détroit de façon définitive
dans une proportion de 55 %. Ce pourcentage grimpe à 65
% avec l'application du plan agricole.
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