12 septembre 2002 |
Les chiens se font du sang de cochon lorsqu'ils voyagent. Il
semblerait même que certains sédatifs habituellement
utilisés pour atténuer le stress font peu pour calmer
les nerfs en boule des voyageurs à quatre pattes. C'est
ce que concluent les chercheurs Renée Bergeron et Jean-Pierre
Émond, de la Faculté des sciences de l'agriculture
et de l'alimentation, après avoir étudié
les réactions physiologiques et comportementales d'un groupe
de chiens Beagle soumis à diverses voyageries.
Les chercheurs ont évalué le niveau de stress de
ces animaux en suivant l'évolution de leur fréquence
cardiaque, de leur taux de cortisol (l'hormone du stress) et de
la concentration de certaines cellules de leur système
immunitaire pendant leurs pérégrinations. Pour les
besoins de l'expérience, ces 24 bêtes, séparées
en trois groupes, ont fait le voyage entre Québec et Dorval
en fourgonnette. Par la suite, les beagles ont eu droit à
leur baptême de l'air en faisant le trajet aller-retour
Montréal-Toronto, dans le compartiment chauffé et
pressurisé de la soute à bagages d'un vol régulier.
Le rythme cardiaque de ces chiens, qui se situe habituellement
à 70 battements à la minute, a grimpé jusqu'à
180 à certains moments du voyage. Contrairement à
ce qu'on pourrait croire, les pics de stress ne surviennent pas
au décollage et à l'atterrissage, mais lors du chargement
et du débarquement. "C'est très bruyant à
ces moments-là dans le compartiment à bagages",
raconte Renée Bergeron, qui s'y est rendue pour installer
les chiens et l'équipement expérimental. "On
entend le moteur de notre avion et celui des autres avions qui
atterrissent et qui décollent autour. En plus, c'est très
écho."
Tous les indicateurs physiologiques mesurés indiquent que
les transports aériens et terrestres provoquent un stress
considérable chez les chiens. Les animaux qui avaient reçu
un sédatif (maléate d'acépromazine) avant
l'embarquement en avion ont montré les mêmes réactions
que le beagles "normaux". "La baisse significative
du nombre de lymphocytes indique que le système immunitaire
des chiens est affaibli et que ceux-ci étaient donc plus
vulnérables aux maladies après ce voyage",
signale la chercheure. Renée Bergeron, Jean-Pierre Émond
et leurs collègues Shannon Scott, Florent Mercier, Nigel
Cook et Al Schaefer livrent les autres détails de l'étude
dans le numéro de juillet de The Canadian Journal of
Veterinary Research.
Entre l'overdose et le stress
Le transport des animaux domestiques donne de sérieux
maux de tête aux compagnies aériennes; l'overdose
de sédatifs est la première cause de mortalité
des animaux en avion, alors que la seconde est le stress! Pas
étonnant que certaines compagnies refusent maintenant de
transporter ces petites bêtes. "Les directives actuelles
entourant le transport des animaux reposent sur bien peu de données
scientifiques", souligne Renée Bergeron. D'où,
sans doute, l'intérêt de l'Air Transport Association
of America, qui a financé l'étude des chercheurs
de Laval. "Par mesure de sécurité, les transporteurs
aériens ne recommandent pas l'usage de sédatifs
pour les animaux qui voyagent, rappelle la chercheure. Par contre,
personne ne veut laisser un chien traumatisé dans une soute
à bagages pendant six heures."
Renée Bergeron entend poursuivre ses travaux sur la question
en refaisant des essais, mais cette fois avec un produit qui combat
l'anxiété plutôt qu'avec un sédatif.
"Si nous pouvons aider les chiens à traverser la difficile
étape de l'embarquement, ça devrait atténuer
considérablement le stress. Nous allons également
vérifier si le stress diminue lors de transports répétés.
Il est peut-être possible d'entraîner un animal à
aimer les voyages. Mais, d'ici à ce qu'on en sache plus,
mieux vaut consulter un vétérinaire si votre chien
doit voyager et que vous vous souciez de son bien-être."
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