![]() |
18 avril 2002 ![]() |
Les citoyens qui ont encore en mémoire les tragédies
de l'Ordre du temple solaire ou de Waco aux Etats-Unis n'avaient
manifestement pas leur place, lors du débat organisé
le 10 avril dernier par la Chaire publique de l'Association des
étudiants et des étudiantes de Laval inscrits aux
études supérieures (AELIÉS), sur la pertinence
de la mise en place d'une police anti-secte. Les deux invités,
Alain Bouchard, professeur en sciences de la religion au Cégep
de Sainte-Foy et chargé de cours à l'Université
Laval, et Jean Larivière, porte-parole de l'Église
de scientologie, ont abondé finalement dans le même
sens: la responsabilité d'adhérer à une nouvelle
religion relève de l'individu et ne doit pas être
brimée par l'État.
D'entrée de jeu, Alain Bouchard a souligné que le
phénomène des nouvelles religions touchait un nombre
réduit de personnes, seulement 1,5 % de la population environ,
le plus important groupe, les Témoins de Jéhovah,
réunissant pour sa part environ 40 000 Québécois.
Selon le chercheur, les gens en quête spirituelle veulent
une religion capable de répondre à leurs besoins
personnels et considèrent leur engagement comme partie
intégrante d'un style de vie. "On pourrait presque
parler de religion extrême, tant la société
se montre de moins en moins tolérante face aux personnes
qui affichent leurs convictions religieuses, explique-t-il. Le
raélien qui ose porter son médaillon sait pertinemment
qu'il va être pointé du doigt. Une police anti-secte
ressemble finalement à du Ritalin social, car elle vise
à contrôler les écarts par rapport à
la norme."
Information plutôt que coercition
Intimement opposé au mot secte, qu'il considère
comme un moyen de stigmatiser un individu, Alain Bouchard considère
que l'État ne doit pas gérer l'espace social par
une quelconque police réprimant les mouvements religieux.
Une opinion bien évidemment partagée par Jean Larivière,
de l'Église de scientologie, qui dénonce haut et
fort les législations de certains pays visant à
protéger leurs citoyens des méfaits provoqués
par des mouvements sectaires. "Une loi anti-secte adoptée
en juin dernier en France a pour conséquence de discriminer
les membres de certaines religions, précise-t-il. Une institutrice
a perdu son travail car un étudiant l'avait vue à
une exposition sur l'Église de scientologie et l'a dénoncée.
Cela ressemble vraiment à de l'hystérie"
À en croire Alain Bouchard, certains signes montrent d'ailleurs
que le Québec pourrait peut-être bientôt suivre
et verser lui aussi dans l'intolérance religieuse. Et de
citer le tollé déclenché récemment
par les médias à l'encontre d'un organisme de prévention
de la toxicomanie lié à l'Église de scientologie,
alors qu'apparemment il n'était pas question de prosélytisme
religieux. Pourtant, le chercheur se dit conscient que certains
adeptes des nouvelles religions vivent parfois des expériences
malheureuses dans ces groupes. Il souhaite donc la mise en place
d'un centre d'information sur le sujet, constamment mis à
jour, afin notamment de mieux comprendre les phénomènes
de dépendance. "Je reçois fréquemment
des appels de psychiatre ou de travailleurs sociaux qui ne savent
pas à qui référer des personnes souffrant
de troubles liés à la religion, explique-t-il. Je
crois beaucoup en la démocratie, en la création
d'un lieu de rencontre, de confrontation des idées."
Manifestement, cet appel au choc des idées restait une
vue de l'esprit ce jour-là puisque les deux invités
partageaient des vues étonnamment proches, sur un phénomène
qui n'ose plus porter le nom de secte.
![]() |