28 février 2002 |
Du 4 au 23 mars, à la Salle d'exposition du pavillon
Alphonse-Desjardins, deux étudiants à la maîtrise
en histoire de l'art, Richard Beaudry et Sylvain Lizotte, proposent
un point de vue inusité sur plusieurs des pavillons du
campus en présentant les travaux du concepteur principal
du plan directeur de la Cité universitaire, Édouard
Fiset. L'exposition pourrait s'intituler "Grandeur et vicissitudes
du métier d'architecte", tant elle souligne les différences
entre les plans initiaux d'un bâtiment et sa réalisation.
À l'aide de maquettes, de plans et de photos d'archives,
les deux étudiants lèvent le voile sur les dessous
d'édifices que l'on finit par ne plus voir, à trop
les fréquenter quotidiennement.
Dès le début de sa carrière en 1946, Édouard
Fiset se fait remarquer par l'importance des bâtiments qu'il
conçoit à Québec, comme cet immense "palais
des Nations-Unies" qui devait trôner sur les Plaines
d'Abraham et qui, évidemment, ne fut jamais construit.
Un peu plus tard, on lui doit la signature d'édifices dont
la hauteur marque la ville, comme l'édifice La Laurentienne
à la Place d'Youville, ou le complexe Marie-Guyard, ainsi
que le réaménagement de la Colline parlementaire
au début des années soixante. Recruté au
début des années par la direction de l'Université
Laval, qui manque alors d'espace dans le Vieux-Québec et
désire reloger l'établissement sur le plateau de
Sainte-Foy, Édouard Fiset conçoit un plan d'aménagement
de la future cité universitaire, en puisant son inspiration
à la fois dans le modèle des campus américains,
et dans celui des grands jardins à la française.
Il rêve de bâtiments disséminés dans
de vastes espaces verts exclusivement piétonniers, d'immenses
allées d'arbres encadrant les principaux axes de circulation
réunis en croix, et d'un lien routier entre le campus et
le reste de la ville.
Pour des raisons diverses, peu d'éléments subsistent
de ce plan initial et la cité universitaire qui en a résulté
est passablement différente de celle qui existait sur la
table à dessin d'Édouard Fiset. L'axe majeur de
circulation, qui se situerait aujourd'hui entre les pavillons
Alexandre-Vachon et Jean-Charles-Bonenfant, censé s'ouvrir
vers les Laurentides, demeure une voie secondaire, et le pavillon
Maurice-Pollack, qui devait constituer l'entrée principale
du campus, s'avère finalement être un bâtiment
comme les autres. Autre changement de taille, l'idée d'un
campus piétonnier demeure lettre morte et, rapidement,
les automobiles entrent en concurrence avec les espaces boisés.
Classique ou fonctionnel?
Concepteur des pavillons Ernest-Lemieux, Biermans-Moraud et
Charles-de-Koninck, Édouard Fiset intègre dans ses
créations deux tendances architecturales bien distinctes.
De sa formation à l'École des Beaux-arts de Paris,
à la fin des années 1930, il conserve un goût
pour l'élégance et le classicisme, tout en vouant
une grande admiration aux architectes modernes fonctionnalistes
comme Le Corbusier. Cette double influence, bien présente
dans ses plans, se heurte ensuite aux contraintes financières
et aux désirs des occupants des pavillons, ce qui donne
parfois de curieux résultats.
"Édouard Fiset avait prévu que la lumière
jouerait un rôle très important dans le pavillon
Charles-de-Koninck, construit en 1963, et il avait prévu
beaucoup de fenêtres sur les façades, explique Richard
Beaudry. Mais les professeurs ont exigé que leurs bureaux
aient tous accès à une fenêtre donnant sur
l'extérieur." Cette contrainte a donc eu une influence
sur la luminosité des corridors intérieurs, sans
compter que les bureaux de chargés de cours, construits
par la suite de façon provisoire dans certains couloirs,
réduisent encore plus l'éclairage naturel. Néanmoins,
ce bâtiment, pourtant souvent décrié par ses
occupants, demeure une véritable réussite aux yeux
des deux étudiants en histoire de l'art, car son architecte
a réussi selon eux à lui donner une allure fonctionnelle,
sans négliger son esthétisme.
Les espaces publics, vastes et lumineux, permettent en effet une
circulation aisée entre les ailes du bâtiment, ou
d'un étage à l'autre, tandis que des trouvailles
architecturales offrent des perspectives visuelles intéressantes,
selon Richard Beaudry. Et l'étudiant de citer ces escaliers
principaux croisés où les gens peuvent se voir descendre
mutuellement, ou ce demi-étage en forme de passerelle desservant
les bureaux des professeurs, qui offre l'avantage de laisser la
lumière baigner le hall situé plus bas. "À
travers cette exposition, on essaie de diriger le regard des gens
vers certains points, pour qu'ils voient le pavillon d'un autre
il, souligne un de ses concepteurs. Je pense qu'on a beaucoup
trop tendance à juger très sévèrement
l'architecture moderne et à la comparer constamment aux
bâtiments du passé. Selon moi, le choc que cette
architecture a créé dans le public n'a pas encore
été absorbé."
|