21 juin 2001 |
On dit que la vie commence à 40 ans. Cela semble particulièrement
vrai pour Guy Lessard qui franchissait récemment le cap
de la quarantaine. Cette année, ce chargé de cours
en aménagement et sylviculture au Département des
sciences du bois et de la forêt a vu son autre carrière
- il est chanteur d'opéra - faire un grand pas en avant.
Lors du prestigieux concours annuel de la fondation Liederkranz
tenu à New York en janvier, il a remporté un deuxième
prix dans la catégorie des chanteurs wagnériens.
Pour la première fois, le ténor de Québec
obtenait une reconnaissance internationale pour sa voix puissante
et expressive et sa présence remarquable sur scène.
Entre nature et culture
Guy Lessard développe très tôt son amour
de la forêt et de la musique. Enfant plutôt solitaire,
vivant à Lac-Beauport en banlieue de Québec, il
se promène régulièrement dans les bois en
compagnie des gros saint-bernard de ses parents. À la maison,
tous aiment la musique. Les goûts, très éclectiques,
vont de l'opérette allemande à la chanson française.
Lorsqu'il entreprend ses études universitaires en foresterie,
Guy Lessard chante depuis plusieurs années dans des chorales.
Une fois à la maîtrise, un ami lui suggère
d'étudier le chant. Ce qu'il fait. "J'ai réussi
à passer à travers mes études de maîtrise
grâce à la musique, admet-il. Je passais de longues
heures au microscope à identifier des mousses en décomposition.
Après, j'étais bien content d'aller m'asseoir à
mes cours de musique! Je trouvais ça extraordinaire de
pouvoir vivre deux programmes d'études en même temps.
Mais le système actuel ne favorise pas ça. Il y a donc moins de possibilités d'épanouissement
de l'individu." Plus tard, lorsqu'il quitte l'université,
il a en poche deux diplômes de premier cycle et deux de
deuxième cycle. Aujourd'hui, en plus de sa charge d'enseignement,
il travaille comme coordonnateur en aménagement au Centre
d'enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy. Soliste
dans des choeurs, il chante aussi régulièrement
lors de funérailles.
"Le talent, c'est le courage de continuer", a dit un
jour le célèbre violoncelliste Mstislav Rostropovitch.
Cette citation décrit bien le parcours de l'artiste lyrique
québécois, un parcours marqué par la discipline
et la persévérance. Et la passion! "Tout ce
que je fais est une passion", dira celui qui s'astreint à
un entraînement rigoureux en coaching de chant,
un après-midi par semaine et fréquemment le soir
et la fin de semaine. "On ne sait pas où un entraînement
régulier peut mener, dit-il. Dans le passé, j'avais
une voix de chansonnier. Aujourd'hui, je n'ai plus du tout le
même timbre. C'est que je n'utilise pas mon corps de la
même façon. En opéra, tout le corps chante,
ce qui fait qu'on peut rejoindre sans micro deux à trois
mille personnes dans une grande salle."
Guy Lessard n'est pas le seul ténor canadien à recevoir
une reconnaissance internationale tardive. Ben Hepner et John
Vickers, par exemple, n'ont véritablement percé
qu'autour de 40 ans. "Dans les écoles, explique-t-il,
nous sommes plutôt atypiques à cause de notre talent
qui est trop jeune. Cela prend des années pour être
prêt. Très souvent, les chanteurs wagnériens
sont mûrs à 38, 40, 42 ans."
Une musique puissante et évocatrice
Lors du concours Liederkranz, Guy Lessard a notamment interprété
des extraits de Die Walküre, la deuxième partie
de l'Anneau du Nibelung, dit la Tétralogie,
de Richard Wagner. Le ténor connaît bien cet
opéra puisque la troupe Tempêtes et Passions un ensemble
porté sur la musique romantique qu'il a fondé à
l'été 2000, en a présenté le premier
acte en novembre dernier à Québec. Cette oeuvre
propose un imaginaire féerique tiré de légendes
slaves avec des demi-dieux, des héros, des épées
magiques et des quêtes en fonction de choses qui dépassent
l'humain.
Plus largement, la musique wagnérienne est très
près de la nature et évoque des phénomènes
tels la foudre et la tempête. Selon lui, cette musique est
extraordinaire parce qu'elle crée des ambiances. "C'est
une musique excessive et faite de contrastes, indique-t-il. Les
90 musiciens déchaînés peuvent laisser place
à de petits bouts de harpe. Dans Die Walküre,
il y a des bouts où un violoncelle seul accompagne un personnage."
Comme le bon vin, le ténor Guy Lessard s'améliore
en vieillissant. Les rôles héroïques allemands
lui plaisent bien, ainsi que les rôles dramatiques italiens.
Il travaille présentement celui d'Othello, de l'opéra
du même nom de Giuseppe Verdi, question d'agrandir son répertoire.
Au printemps 2002, il interprétera don José, le
rôle masculin principal de l'opéra Carmen,
de Georges Bizet, avec le choeur québécois Les Rhapsodes.
Bientôt, il passera une audition auprès de la Canadian
Opera Company pour la présentation du premier acte de Die
Walküre en 2004.
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