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7 juin 2001 ![]() |
"S'il est un défi qui s'offre à la pensée
québécoise contemporaine, c'est de rompre avec cette
problématique mélancolique de la survivance qui
s'enracine dans une théorie plus ou moins douteuse du développement
des collectivités, théorie selon laquelle une collectivité,
petite ou grande, ancienne ou neuve, doit nécessairement
s'accomplir dans l'État souverain pour être et faire
comme il se doit."
Invité à animer et à participer à
la fois à un débat sur le devenir du Québec,
qui se tenait le vendredi 25 mai, dans le stade couvert du PEPS,
à l'occasion du Salon du livre du Congrès des sciences
sociales et humaines, l'historien Jocelyn Létourneau, de
l'Université Laval, est venu rappeler que le Québec
a bien changé depuis les années 1950 et que la problématique
de la survivance "n'a plus de sens pour embrasser la situation
actuelle des Québécois au Canada et dans le monde".
"Le processus de réactualisation des cultures au Québec
est en train de donner naissance à une culture québécoise
de cohabitations, laquelle n'entraîne pas le déclin
des cultures préexistantes, mais leur réaffirmation
sous des formes nouvelles et pleines de métissages",
constate-t-il.
Les mots pour le faire
Comment décliner alors le devenir du Québec:
au futur antérieur, au futur simple ou au futur surcomposé?
Il importe d'abord, pour Jocelyn Létourneau, de changer
l'ordre du questionnement en s'interrogeant non pas uniquement
sur l'avenir du Québec, mais plutôt sur les conditions
matérielles et culturelles les plus propices à l'épanouissement
des Québécois.
Ces conditions et circonstances doivent-elles rimer nécessairement
avec indépendance? "Pour certains, c'est l'indépendance.
Ceux-là ont peut-être raison. Mais ce n'est pas sûr.
Or, au chapitre de l'avenir, les Québécois réclament
autant de certitudes que possible avant de s'engager dans une
veine de l'histoire. Pour la majorité, le risque d'un abaissement
du niveau de vie, qui sanctionne et détermine en même
temps les possibilités d'avenir, ne vaut pas la chandelle
d'un pays", affirme-t-il.
Et que penser de la souveraineté-partenariat? Jocelyn Létourneau
reconnaît que, au point de vue de la prospérité
économique, ce type de projet constitue une piste intéressante
à explorer. "Chose certaine, nonobstant leur attirance
pour l'idée de souveraineté, il est clair pour la
plus grande partie des Québécois que le partenariat
est une condition nécessaire à leur épanouissement
comme individus et collectivité, énonce-t-il. Ce
partenariat, ce lien avec les grands ensembles, est ce qui doit
être protégé et préservé avant
tout. C'est en vue de le maintenir que l'exercice de la souveraineté
peut être envisagé. Autrement dit, la souveraineté
n'a de sens que pour imposer le partenariat aux forces et tendances
contraires."
Selon lui, les Québécois ne veulent pas rompre avec
le Canada, mais plutôt maintenir une situation d'équilibre
entre les forces centripètes et les forces centrifuges
au pays. En d'autres termes, ceux-ci veulent "continuer à
faire du Canada un pays de dissonances plutôt que de le
voir se transformer en un État de consonance".
Pour la suite du monde
Cette suite de "l'expérience québécoise
du monde" - l'enjeu le plus important pour tous les Québécois,
au dire de l'historien - laquelle n'a fait que s'affirmer depuis
la révolution tranquille, est-elle possible indépendamment
de l'accession du Québec au rang d'État souverain?
se demande Jocelyn Létourneau. "J'aurais tendance
à dire que oui, admet-il. Mais j'ajouterai du même
souffle qu'il est tout aussi clair que l'utilisation de l'État
du Québec comme aiguillon d'épanouissement a eu,
pour la collectivité québécoise et notamment
pour les Franco-Québécois, des effets majeurs de
levier."
L'avenir du Québec doit se bâtir, croit ce dernier,
sur son capital d'avancement collectif, "qui rend compte
de la vitalité d'une communauté politique en constante
action et rétroaction sur elle-même".
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