7 juin 2001 |
Les personnes qui se présentent à l'urgence avec
des symptômes de méningite bactérienne courent
de forts risques de ne pas recevoir le meilleur traitement antibiotique
présentement recommandé pour ce type d'infection.
C'est ce que suggère une étude, réalisée
par le résident en médecine Simon Berthelot, dont
les conclusions ont été rendues publiques à
l'occasion de la Journée de la recherche de la Faculté
de médecine qui se déroulait le 4 juin au pavillon
Alphonse-Desjardins.
Simon Berthelot arrive à ce constat après avoir
passé en revue les dossiers de patients traités
aux urgences du CHUL et de l'Enfant-Jésus, entre janvier
1996 et mars 2001. Pendant cette période, 61 patients examinés
à l'urgence des deux centres hospitaliers ont reçu
des antibiotiques parce que l'on craignait qu'ils soient victimes
d'une méningite bactérienne. Les urgentologues ont
prescrit les antibiotiques présentement recommandés
dans la littérature scientifique à seulement 13
d'entre eux (21 % des cas). L'antibiothérapie prescrite
était conforme aux recommandations dans 12 des 51 cas vus
au CHUL et dans 1 des 13 cas traités à l'Enfant-Jésus.
"La principale cause d'erreur est l'omission de la vancomycine
qui explique à elle seule 74% des cas de traitement inapproprié",
souligne Simon Berthelot.
Les autorités médicales préconisent l'administration
rapide d'antibiotiques aux patients que l'on soupçonne
être victimes de méningite bactérienne. "À
l'urgence, il s'agit d'un traitement à l'aveugle parce
que nous ne savons pas encore quel microorganisme est responsable
de l'infection, explique l'auteur de l'étude. Il semble
cependant préférable de traiter tout de suite, sans
attendre le résultat des cultures de laboratoire qui peuvent
exiger 24 heures, afin de limiter les dommages que pourrait causer
l'infection."
Souches résistantes
Selon Simon Berthelot, le traitement inapproprié que
reçoivent les patients dans les urgences s'explique par
la méconnaissance du phénomène de résistance
des pneumocoques aux antibiotiques de la famille de la pénicilline.
Depuis 1996, le pourcentage de souches hautement résistantes
à la pénicilline est passé de 7 % à
près de 11 %. De plus, environ 27 % des souches de pneumocoques
répondent de façon sous-optimale à la pénicilline.
"Il s'agit d'un phénomène relativement récent,
de sorte que les nouvelles recommandations de traitement (émises
en 1996) ne sont pas encore enracinées chez les urgentologues,
souligne-t-il. Le recours au bon traitement tend à augmenter
avec le temps, mais on est encore loin de le prescrire systématiquement.
Disons qu'il y a encore beaucoup de place pour l'amélioration."
Les méningites bactériennes sont causées
par deux types de microorganismes, les pneumocoques et les méningocoques.
C'est ce dernier type qui a sévi dans la région
de Québec au cours des derniers mois. Les méningocoques
ne montrent heureusement pas de résistance à la
pénicilline, de sorte qu'il n'y a pas eu de conséquences
au fait que le traitement recommandé a été
peu souvent appliqué dans les urgences. La situation aurait
été bien différente si l'épidémie
avait été causée par une souche de pneumocoques
résistante à la pénicilline. "Si l'antibiotique
prescrit est inefficace, il peut y avoir une atteinte neuronale
qui cause la surdité, des encéphalopathies et, à
la limite, la mort", signale Simon Berthelot. Cependant,
poursuit-il, dès que les infectiologues obtiennent les
résultats des analyses de laboratoire, le traitement des
patients est réajusté. "Le consensus actuel
est qu'il faut traiter le plus tôt possible avec les antibiotiques
efficaces. Les urgentologues devraient donc prescrire les antibiotiques
recommandés pour le traitement empirique de la méningite,
notamment la vancomycine. "
Simon Berthelot a réalisé cette recherche dans le
cadre d'un projet d'évaluation de la qualité de
l'acte, intégré à sa formation en médecine
d'urgence. En plus de présenter ses conclusions aux professeurs,
chercheurs, étudiants-chercheurs et résidents de
la Faculté de médecine réunis à l'occasion
de la Journée de la recherche en médecine, il communiquera
son rapport final aux urgentologues de la région, dans
le but d'améliorer leur pratique. Citant l'écrivain
et poète Paul Valéry, Simon Berthelot conclut d'ailleurs
son étude en rappelant que "un homme compétent
est un homme qui se trompe selon les règles".
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