7 juin 2001 |
"LE CONFORT ET L'INDIFFÉRENCE"
L'Université Laval accueillait le 70e Congrès de
la Fédération canadienne des Sciences humaines et
sociales du 23 au 30 mai dernier, rencontre annuelle de 67 sociétés
savantes regroupant 69 universités du pays. Quel magnifique
succès, plus de 5000 participants venus de partout au Canada,
quand ce n'était pas de l'étranger, pour échanger
du savoir. On a constaté une palpable effervescence intellectuelle
créée par la présentation de plus de 4000
communications scientifiques, en plus des échanges et des
débats que ce forum d'idées a suscités.
Ces rencontres ont su mettre en rapport d'innombrables chercheurs
qui, avant cette réunion, ne se connaissaient pas ou peu. En somme, un bilan extrêmement positif pour cette rencontre
annuelle où intellectuels, hommes et femmes, ont su partager
leur passion commune de la recherche. L'Université Laval
- et particulièrement avec le généreux
concours de nombreux professeurs - a su encore une fois se démarquer
par son dynamisme et faire que ce docte monde puisse s'entendre
et se parler dans un contexte de rencontre où les meilleures
conditions étaient encore une fois au rendez-vous.
D'abord une organisation sans failles a maintenu un déroulement des activités presque parfait; la distribution du programme dans l'espace était aussi fort bien équilibré. Entre le centre nerveux des salons et autres opérations administratives au Pavillon des Sports et le pôle d'activités hautement culturelles du Pavillon Desjardins, il y avait dans les pavillons qui émaillaient cet axe des colloques de tous genres que les sociétés savantes avaient longuement préparé. Quelle magnifique ambiance, quelle réussite pour une université qui cherche un meilleur positionnement dans le milieu de plus en plus compétitif des universités canadiennes. Chacune doit faire la démonstration de son haut niveau de performance (nonobstant les fameux contrats du ministre Legault) et Laval a certainement gagné quelques points à ce chapitre.
Mais il y a un élément qui a passablement déçu certains qui s'étaient pourtant beaucoup investis à offrir aux congressistes une exposition qui allait donner la meilleure image possible d'une université qui se préoccupe de la mise en valeur de son patrimoine. En effet le Comité organisateur, par la voie du professeur Guy Laforest, s'est adressé au programme de 2e cycle en muséologie pour monter une exposition sur le thème de la vie intellectuelle à l'Université Laval. Bien qu'un maigre budget était alloué à l'événement, le programme a bien voulu accepter le défi de monter une présentation signifiante avec les moyens du bord. Il va sans dire que le commissaire R. Mathieu Vigneault, la conservatrice Marie-Blanche Fourcade et la logisticienne Louise-Marie Lessard, tous trois inscrits au Diplôme de 2e cycle en muséologie, ont réussi un exploit en livrant un déploiement thématique bien articulé et présenté avec style et grâce par les bons services des muséographes Frida Franco et Claude Corriveau. Cette production a été assumé financièrement par le Comité organisateur du Congrès, avec la collaboration de la Bibliothèque générale et les Archives de l'Université Laval, et de nombreux partenaires extérieurs comme le Musée de l'Amérique française qui ont cru au projet et surtout aux étudiants qui allaient le mener à terme.
Dans un contexte de ressources plus que minimales, l'Université Laval a pu bénéficier d'un produit culturel de très bon niveau pendant toute la durée du Congrès alors que plus deux cents visiteurs ont su profiter de cette aubaine. Et tant mieux pour ceux et celles qui ont trouvé le temps, à travers un horaire souvent trop chargé, de venir apprécier la profondeur historique de l'héritage intellectuel de notre institution. Par ailleurs ce qui étonne, c'est qu'aucun membre de la haute et moyenne direction n'a daigné y mettre les pieds. Comme si ces gens là, à qui on a confié la conduite des affaires institutionnelles, n'avaient aucun intérêt pour la vie culturelle qui anime cette université et qui la consacre comme étant la plus vielle université francophone d'Amérique du Nord. Objet pourtant de fierté, personne des hautes sphères du petit pouvoir n'a voulu - ne serait-ce que le court temps d'une visite - d'abord venir admirer les quelques trente pièces réunies pour la présentation et encourager par le fait même le travail bénévole de nombreux étudiants qui sont venus prêter mains fortes à leurs collègues pour faire de ce petit événement un succès. C'est dire que la propre histoire de notre institution présentée sous forme d'abrégé en trois dimensions n'a pas su éveiller ni même piquer la curiosité de nos dirigeants. C'est fort inquiétant et tout cela augure très mal pour les célébrations de l'an prochain que vont souligner le 150e anniversaire de fondation de la noble institution d'enseignement supérieur. Cette indifférence nous fait regretter le temps où des administrateurs humanistes n'avaient pas en bouche que le langage des chiffres mais savaient, à l'occasion, reprendre contact avec l'univers des idées et le monde des beautés. Parions que l'anniversaire qui se prépare sera un étalage de bons points, genre " pétage " de bretelles, sans même être capable d'offrir au public une invitation à venir réfléchir sur ce que nous sommes en présentant ce que nous avons été pour enfin leur permettre d'entrevoir ce que nous serons. Un autre rendez-vous manqué messieurs dames d'en haut.
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