7 juin 2001 |
S'il est un hommage que le corpus d'orgue de Johann Pachelbel
(1653-1706) - trop injustement relégué au second
plan par celui d'un étincelant Johann Sebastian Bach -
méritait qu'on lui rende un jour, c'est bien celui qu'a
pris le temps de peaufiner Antoine Bouchard, dont l'intégrale
consacrée à ce pan important de l'uvre du compositeur
du célèbre Canon est maintenant disponible
en 11 disques compacts, parus l'un après l'autre et de
façon épisodique, depuis le mois d'avril 1999, chez
la réputée maison américaine Dorian.
"Je suis embarqué dans ce projet avec beaucoup d'enthousiasme,
raconte le professeur émérite de la Faculté
de musique. J'ai ressenti une joie incroyable, celle de la découverte,
tout au long de cette expérience absolument merveilleuse
qui a duré deux ans et demi, au cours de laquelle ont eu
lieu la phase de préparation et les cinq séances
d'enregistrement."
Sorte de "testament discographique" surgi du précieux
travail de moine de cet humble bâtisseur de cathédrale
au faîte de son art conceptuel, la splendide intégrale
de l'organiste québécois révélera
assurément aux mélomanes, en quête d'oraison
de quiétude ponctuée d'élévations
allègres, une musique "très écrite sans
en avoir l'air", qui "coule de source", dans une
sorte de "spontanéité organisée"
héritée de l'Italie, mais façonnée
par le "génie constructeur" allemand, pour reprendre
ici les expressions d'un Antoine Bouchard brossant à grands
traits le profil du creuset inspirateur de Pachelbel.
Un instrument remarquable
En tout, les 11 disques numériques regroupent 255 titres,
dont l'organiste a dressé lui-même une liste alphabétique
et numérique sous le sigle POP, pour Pièces d'orgue
de Pachelbel ou Pachelbel Organ Pieces: 10 arias avec variations,
6 chaconnes, 75 préludes de choral, 7 chorals avec variations,
6 fantaisies, 26 fugues isolées, 1 prélude et fugue
et 1 toccate et fugue, 95 fugues pour le Magnificat, 8
préludes, 3 ricercare et 17 toccates.
Pour insuffler une vie profonde et inaltérable à
ces partitions négligées, Antoine Bouchard s'est
adjoint un remarquable instrument, l'orgue Casavant (1964) de
l'église de Saint-Pascal-de-Kamouraska. "Celui-ci
a été d'une grande inspiration au cours de nos séances
d'enregistrement, révèle ce dernier. Pachelbet aurait
certainement apprécié cet orgue avec ses jeux harmonisés
avec tant d'art que l'on peut faire chanter distinctement chacune
des trois ou quatre voix d'une polyphonie serrée, aussi
bien dans la douceur que dans la puissance, dans le grave comme
dans le centre ou l'aigu, dans l'intériorité comme
dans l'exubérance. Il aurait sans doute aimé aussi
actionner une traction se prêtant aux moindres inflexions
de l'articulation, une qualité qui permet, par excellence,
de transformer la machine-orgue en chanteur émouvant."
Retrouver la ponctuation
Et cet essentiel caractère de chantre docile sied comme
un gant au style cantabile que privilégie l'organiste
originaire de Saint-Philippe-de-Néri, pour qui il importe,
de plus, de rendre évidentes les phrases, de retrouver
la ponctuation musicale, de redonner à l'orgue, en somme,
une facilité d'expression dans l'articulation et le phrasé
qui s'est effilochée au fil des derniers siècles.
Le professeur émérite de la Faculté de musique
a d'ailleurs commencé à coucher sur le papier quelques
réflexions sur le jeu de l'orgue qu'il compte publier éventuellement,
un sujet peu abordé dans la littérature musicale.
Rappelons que l'abbé Antoine Bouchard a reçu sa
formation d'organiste principalement auprès de Léon
Destroismaisons et de Claude Lavoie au Québec, et de Gaston
Litaize en France. Il a réalisé plusieurs enregistrements,
qui lui ont valu des critiques très élogieuses tant
en Europe qu'aux États-Unis, et donné de nombreux
concerts en Amérique du Nord et sur le vieux continent.
Il a été professeur à la Faculté de
musique pendant plus de 30 ans - il a même assumé
la fonction de directeur de l'ex-École de musique de 1977
à 1980 - avant de prendre sa retraite "partielle"
en 1999 (le temps de conduire à bon port les élèves
qu'il avait commencé à former), mais définitive
au printemps dernier.
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