15 février 2001 |
Une équipe interuniversitaire de recherche vient de
démontrer que des concentrations relativement élevées
de trihalométhanes (THM) et d'autres polluants présents
dans l'eau potable sont associées à un risque accru
de leucémie chez les enfants. Ainsi, lorsque le niveau
d'exposition au chloroforme se situe au delà du 95e rang
centile (i.e. parmi les 5 % le plus élevé), le risque
de leucémie est augmenté de 63 %. Dans les cas des
THM totaux et du zinc, ce risque s'accroît respectivement
de 54 % et de 250 %. C'est ce que rapportent les chercheurs Pierre
Ayotte, du Département de médecine sociale et préventive,
et ses collègues Claire Infante-Rivard (McGill), Eric Olson
(U. de Montréal) et Louis Jacques (U. de Sherbrooke) dans
le numéro de janvier de la revue scientifique américaine
Epidemiology.
Les chercheurs ont analysé l'eau potable de secteurs résidentiels
où habitaient 491 jeunes Québécois de moins
de 10 ans, chez qui une leucémie a été diagnostiquée
entre 1980 et 1993. Ils ont estimé la concentration de
divers polluants contenus dans l'eau de leur résidence
ainsi que celle de l'eau potable consommée par 491 enfants
bien portants, du même âge, sélectionnés
au hasard dans la population du Québec. À partir
des données provenant d'entrevues réalisées
avec les parents, des dossiers d'analyses d'eau potable de chaque
municipalité et d'analyses d'échantillons d'eau
prélevés au domicile de 227 des participants, les
chercheurs ont estimé le degré d'exposition de chaque
enfant à chacun des polluants étudiés, depuis
sa vie embryonnaire jusqu'au moment du diagnostic de leucémie.
L'analyse des données amène les chercheurs à
conclure que les risques de leucémie sont modérément
accrus en présence de concentrations élevées
de THM et de chloroforme. La hausse plus marquée associée
au zinc est "intrigante", aux dires des chercheurs,
parce que, seul, ce métal n'a pas de propriété
cancérigène. En présence d'autres métaux,
il pourrait cependant agir comme co-cancérigène.
Prudence
Les THM, dont fait partie le chloroforme, sont formés
dans les réseaux de distribution d'eau potable, où
on utilise le chlore comme agent désinfectant. Le chlore
résiduel libre réagit avec la matière organique
naturelle présente dans l'eau, formant des composés
néfastes pour la santé humaine. Des études
ont déjà démontré le potentiel cancérigène
des THM chez les animaux de laboratoire. De plus, des études
épidémiologiques réalisées auprès
d'adultes exposés aux THM ont révélé
une fréquence anormalement élevée de cancers
du colon, du rectum et de la vessie.
L'étude menée par l'équipe interuniversitaire
québécoise n'apporte cependant pas que de mauvaises
nouvelles aux parents inquiets. Ainsi, lorsque le degré
d'exposition moyenne est utilisé dans les analyses, aucun
lien net entre les polluants et l'incidence de leucémie
ne filtre. De plus, les chercheurs n'ont observé aucune
relation entre le risque de leucémie et le degré
d'exposition aux polluants pendant la vie embryonnaire. "Notre
étude ne révèle pas de liens nets entre les
polluants étudiés et la leucémie. Lorsqu'on
considère l'ensemble des résultats, les preuves
d'une association entre la leucémie chez les enfants et
les sous-produits de désinfection de l'eau et certains
métaux ne sont pas fortes, mais elles ne sont pas inexistantes
non plus", concluent prudemment les chercheurs.
|