15 février 2001 |
Le mouvement de soutien à Haroun M'Barek, un étudiant
de maîtrise en droit commercial de l'Université Laval,
expulsé du Canada le 6 janvier dernier, prend de l'ampleur.
Une manifestation de solidarité sous forme de vigile, tenue
le 7 février à Québec, a attiré une
cinquantaine de personnes devant les bureaux du ministère
fédéral de l'Immigration et de la Citoyenneté.
Une pétition, lancée le même jour, a recueilli
environ 800 signatures en 48 heures. Vendredi dernier, le Bloc
québécois a fait inscrire une question sur ce dossier
au feuilleton des délibérations de la Chambre des
Communes, à Ottawa. Quant au Centre international de la
personne et du développement démocratique, un organisme
montréalais, il a annoncé son intention de déléguer
un observateur au procès que subira l'étudiant le
21 février prochain à Tunis.
Dès son retour dans son pays, Haroun M'Barek a été
incarcéré, puis torturé. On lui reproche
ses activités au sein de l'Union générale
tunisienne des étudiants (UGTE), une organisation non reconnue
par le gouvernement et proche du mouvement islamiste tunisien.
L'étudiant avait quitté son pays en 1994 pour venir
étudier au Canada. Deux ans plus tard, et malgré
son absence, il était jugé et condamné à
12 ans de prison pour "formation de bande de malfaiteurs"
et "participation à un projet collectif visant à
attaquer des personnes et des biens". Il a fait appel de
ce jugement à son retour.
Un jugement qui ne tiendrait pas la route
Le Comité de soutien à Haroun M'Barek a obtenu
copie du jugement prononcé en 1996. Selon Lise Garon, porte-parole
du Comité et professeure au Département d'information
et de communication de l'Université Laval, on prête
des intentions terroristes à l'étudiant à
partir de ses comportements. Secrétaire d'une section régionale
de l'UGTE, syndicaliste étudiant, il fréquentait
régulièrement la mosquée et était
inscrit à des cours sur la jurisprudence islamique. "En
Tunisie, il n'y a jamais eu de violence organisée comme
en Algérie, ni de violence importée, explique-t-elle.
Mais la Tunisie vit sous un régime policier qui réprime
toute forme d'opposition sous prétexte que le pays est
petit et qu'il a des voisins turbulents comme l'Algérie
et la Libye."
Comme le précise Richard Fecteau, vice-président
à l'externe de l'Association des étudiantes et étudiants
de Laval inscrits aux études supérieures, la loi
tunisienne ne prévoit pas de peine aussi sévère
même dans les cas de meurtre. "Il est clair, affirme-t-il,
que le gouvernement tunisien veut faire un exemple pour "asseoir"
les étudiants."
Un ministère qui fait la sourde oreille
Après son arrivée au Canada, Haroun M'Barek
a déposé de nombreuses demandes auprès de
la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Il craignait pour sa vie s'il retournait dans son pays. Il a reçu
le soutien d'Amnistie internationale qui, de Londres, a effectué
plusieurs démarches d'appui auprès d'Immigration
Canada. Or, dans sa décision ce ministère aurait
agi de façon contraire au droit canadien et aux engagements
internationaux du Canada. La Convention de Genève stipule
en effet qu'un réfugié politique ne peut faire l'objet
d'une expulsion vers un pays où sa vie serait menacée.
La vigile du 7 février visait à demander la tenue
d'une enquête publique par Immigration Canada sur le traitement
accordé au dossier Haroun M'Barek. Quant à la pétition,
elle demande l'intervention directe de l'ambassadeur du Canada
en Tunisie afin que cesse la torture à l'endroit de l'étudiant,
que son procès soit équitable, et que des représentants
de l'ambassade canadienne puissent y assister. Une carte de soutien
signée par environ 200 personnes, d'autres pétitions
en circulation au Québec, et même à Toronto,
sont au nombre des actions en cours. Le 20 ou le 21 février,
il y aura aussi une action de groupe à Québec ou
à Montréal.
Lise Garon dit recevoir une vingtaine d'appels par jour. "Cette
histoire tragique, dit-elle, remue beaucoup de gens sur le campus."
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