15 février 2001 |
UN DERNIER SOULÈVEMENT POUR LA LIBERTÉ?
Le monde a suivi avec effroi, au début du mois d'octobre,
la scène inouïe filmée par un cameraman de
France 2: un petit enfant blotti contre son père s'effondre
sous les rafales meurtrières de l'armée d'occupation
israélienne. Mohammed Al-Dorah est rentré dans l'histoire
comme le symbole de la détresse de tout un peuple. Un peuple
qui lutte depuis maintenant plus de 50 ans pour la reconnaissance
de son droit à l'existence.
Depuis trois jours, Gaza grondait de colère, comme toutes
les autres villes de Palestine, à cause de la profanation
du bourreau des habitants de Sabra et Shatila, Ariel Sharon,
de la Mosquée Al-Aqsa. À cause, aussi, du massacre
des fidèles réunis pour la prière le jour
suivant, où périrent de nombreux musulmans, où
d'autres plus nombreux encore furent blessés. Gaza, où
est née l'Intifada en 1987, a rejoint dès le premier
jour la nouvelle Intifada Al-Aqsa. Les Palestiniens, lassés
par sept ans de négociations infructueuses, demandaient
au monde d'enfin regarder la cause palestinienne objectivement.
Et ce peuple-là aura réellement tout vécu:
de l'implantation forcée sur ses terres des juifs chassés
d'Europe par un antisémitisme prédateur, à
l'expropriation de ce qui lui restait comme propriété,
aux expulsions massives qui lui donnèrent le statut de
réfugié permanent, à la négation de
son existence même, au refus du monde de voir sa détresse,
aux accusations de terrorisme, à la répression
aveugle par les forces de colonisation Cinquante ans de descente
aux enfers sont là pour témoigner du courage de
ce peuple et de sa lutte acharnée pour la survie.
En ce début de XXIe siècle, alors que partout les
Droits humains sont à l'honneur, quatre millions de Palestiniens
éparpillés de par le monde sont privés des
droits les plus élémentaires. Bon nombre d'entre
eux vivent dans des camps de réfugiés qu'ils n'ont
pas quittés depuis 50 ans, entassés comme des bêtes,
et dans le dénuement le plus total. L'OLP (Organisation
de libération de la Palestine) avait pourtant fait l'énorme
concession d'abandonner à tout jamais ses prétentions
sur la Palestine d'avant 1948. Elle a reconnu en novembre 1988
les résolutions des Nations unies 181 (partage de la Palestine),
242 et 338 (reconnaissance de l'État hébreu et retrait
des forces juives des Territoires occupés) ; elle a aussi
éliminé de sa charte toute mention de la destruction
de l'État d'Israël. Après sept ans de négociations,
elle n'a pu obtenir ni le droit à la souveraineté
des Palestiniens sur les territoires de 1967 et donc le retrait
de ces lieux des forces israéliennes (armée ou colonies
d'implantation), ni le partage de souveraineté avec les
Israéliens sur Jérusalem (ville trois fois sainte),
ni le droit des réfugiés au retour et à une
juste compensation.
La lutte du peuple palestinien, vieille maintenant de plus de
50 ans, est donc loin d'être terminée. Beaucoup de
sang a malheureusement coulé et coulera probablement encore
jusqu'à ce que ce peuple fier réalise son rêve
de dignité et de liberté. Pour plus d'informations,
tous les membres de la communnauté universitaire sont les
bienvenus au kiosque d'information sur la Palestine qui est installé
le jeudi 23 février au pavillon Alphonse-Desjardins.
LE COMITÉ D'INFORMATION SUR LA PALESTINE
CRUELLE EXTASE
Qui aurait dit? Lors de cette vingt-neuvième édition
du Carnaval de Québec, nous pouvons contempler "Extase",
une splendide créature façonnée par la Russie,
se prélassant sur les plaines d'Abraham, dans la ville
de Québec. En la voyant ainsi, belle et abandonnée,
certains disent: "Tiens, une gentille dame couchée
sur le dos. Bonhomme, Bonhomme, veux-tu jouer de ce tambour-là?".
Mes amis les sculpteurs russes sont consternés et ne savent
pas quoi penser des commentaires émis à propos de
leur sculpture... et ne sauront pas quoi penser à propos
du paradoxe se cachant derrière son doux visage. Les Russes
se sont dévoués pendant cinq jours, luttant contre
la fièvre, le froid, la fatigue et la tempête pour
donner vie à Extase, la belle de neige, la dégageant
de sa froide prison et la laissant voler vers nous en un message
d'amitié pour leurs frères et surs du nord, tandis
que le Service canadien de l'immigration se consacre à
une oeuvre toute autre, luttant contre les conventions internationales
en matière de défense des droits humains et sculptant
de quelques coups de crayon le corps d'Haroun M'Barek, étudiant
tunisien inscrit en droit à l'Université Laval,
l'arrachant brutalement du Canada, sa patrie d'adoption, le 6
janvier 2001, et le projetant dans une prison où son corps
voudrait sans doute lui aussi s'oublier, à force de se
cabrer sous l'isolement et la torture.
Les oeuvres de nos amis russes et du gouvernement canadien nous
livrent à une cruelle extase. La belle repose tandis que
notre ami est emprisonné. L'âme s'élève
dans un moment d'extase et le corps s'oublie tandis qu'Haroun
est enfermé et attend. Les Russes se sont appliqués
à rescaper d'une masse inerte une splendide créature
qui fait tourner les têtes tandis que le gouvernement canadien
s'efforce de demeurer stoïque devant les preuves de leur
flagrante erreur et en se montrant indifférant à
nos regards horrifiés, nous, frères et surs d'Haroun
M'Barek.
Le mercredi 7 février 2001, sur la rue Saint-Joseph, dans
la ville de Québec, les bureaux d'Immigration Canada sont
restés fermés aux amis d'Haroun venus se rassembler
pacifiquement pour sa défense. N'ayez crainte, l'espoir
coule encore dans les veines d'Haroun et de ses amis, qui sont
de plus en plus nombreux et qui se feront eux aussi sculpteurs
de la vie.
Je vous fais part aujourd'hui de mon inquiétude à
propos du sort d'Haroun M'Barek, étudiant tunisien en droit
déporté en Tunisie et qui purge actuellement une
peine de douze années d'emprisonnement dans de dures conditions.
Il a été expulsé du Canada malgré
les dangers qu'il risquait de courir s'il retournait dans son
pays. Je ne fais pas ici le procès d'un pays, d'une politique
ou d'un système. J'exprime simplement mon opinion, mon
inquiétude et ma solidarité. Soyons aussi amis
du respect des droits humains et sculpteurs de la vie. Ensemble,
dégageons Haroun de la masse inerte et froide de l'isolement
et de l'injustice.
JULIE SANFAÇON
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