1 février 2001 |
Qualifiée par le ministre Jean Rochon de "puissant outil de changement et de développement" et de "pièce essentielle et majeure de notre projet de société pour le troisième millénaire", la Politique québécoise de la science et de l'innovation a de grandes ambitions. Son sous-titre, "Savoir changer le monde", fait foi de la délicate mission qui lui a été assignée. Rendu public le 25 janvier par le ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie, le document de 170 pages (disponible à www.mrst.gouv.qc.ca/_fr/politique/P_politique.html) a aussitôt reçu l'appui de la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec (CREPUQ). "Nous accueillons avec beaucoup de satisfaction l'énoncé de politique du ministre Rochon, a déclaré le président de la CREPUQ et recteur de l'Université Laval, François Tavenas. Nous nous réjouissons tout spécialement de la modification des mandats des trois organismes subventionnaires québécois et de l'augmentation récurrente de leur base de financement".
Le G-7 dans la mire
En vertu de la nouvelle Politique, le Fonds FCAR s'occupera
désormais des sciences naturelles et du génie, en
plus de gérer le programme conjoint de bourses d'excellence
pour les étudiants des 2e et 3e cycles. Le Conseil québécois
de la recherche sociale est transformé en fonds de recherche
et son mandat inclura le développement de la recherche
en sciences sociales et humaines, de même qu'en arts et
lettres. Enfin, le Fonds de recherche en santé du Québec
développera l'ensemble de la recherche en santé
et il devra maximiser les retombées sur la santé
des individus et de la population, ainsi que sur le développement
économique du Québec. La Politique prévoit
"une augmentation récurrente de la base de financement
des trois fonds", afin de leur donner les moyens de leurs
ambitions.
"La recherche est la source première des avancées
scientifiques qui améliorent notre qualité de vie.
Il nous faut tout mettre en oeuvre pour la soutenir adéquatement",
a souligné le ministre Rochon. Si la volonté de
la Politique est respectée, le Québec investira,
d'ici dix ans, autant que la moyenne des pays du G-7 en R&D,
soit 2,47 % de son produit intérieur brut. Comme ce pourcentage
s'établit présentement à 2,09 %, la hausse
projetée est de l'ordre de 20 %. La CREPUQ a également
salué la mesure qui prévoit que le gouvernement
augmentera les crédits consacrés aux frais indirects
de la recherche, qui passeront de 10 %à 40 % du montant
des subventions d'organismes accrédités obtenues
par les universités.
De tout, pour tous
La Politique québécoise de la science et de
l'innovation veut "contribuer à l'amélioration
des conditions de vie des individus en assurant le développement
des connaissances nécessaires à la croissance économique,
au progrès social et à l'enrichissement culturel."
Elle recoupe tous les domaines du savoir - des humanités
à l'ingénierie - et tous les domaines de la créativité.
Elle prend aussi en compte les dimensions éthiques de la
recherche et de l'application des connaissances.
La Politique table sur l'importance d'une formation de qualité
comme clé de la société du savoir, sur la
nécessité de former des enseignants en science de
qualité et en nombre suffisant, et sur la promotion des
carrières scientifiques et technologiques. Pour y arriver,
elle propose notamment une augmentation du nombre de bourses d'études
supérieures attribuées au mérite.
La Politique réaffirme que tous les types de recherche
- fondamentale, appliquée, libre ou orientée - doivent
être encouragés et soutenus. Pour favoriser la relève,
elle préconise une augmentation du nombre de postes offerts
par le programme stratégique de professeurs-chercheurs.
Elle propose également le dégagement de tâches
d'enseignement pour encourager l'excellence chez les chercheurs
universitaires établis.
La grande question: le financement
La vice-rectrice à la recherche de l'Université
Laval, Louise Filion, accueille avec satisfaction cette politique,
qui s'est longuement fait attendre, signale-t-elle. Elle salue
d'abord l'importance que le document accorde à la culture
et la formation scientifiques. "L'intérêt pour
les sciences, ça se cultive dès l'école primaire",
rappelle-t-elle.
La vice-rectrice se réjouit particulièrement de
la clarification de la position gouvernementale sur la propriété
intellectuelle des brevets (qui reconnaît les droits de
l'institution), des révisions apportées aux trois
organismes subventionnaires, de la hausse des crédits accordés
pour les frais indirects de la recherche et du soutien financier
accru aux étudiants-chercheurs. Mais, une inconnue subsiste.
"Tous ces engagements représentent des investissements
considérables. L'argent suivra-t-il? C'est la grande question
que je me pose à ce moment-ci".
L'AELIES inquiète
L'Association des étudiantes et des étudiants
de Laval inscrits aux études supérieures (AELIES)
avait fait connaître ses réticences quant à
l'orientation de la Politique pendant la période de consultations.
Si certaines de ses revendications ont été entendues,
notamment l'augmentation du nombre de bourses pour étudiants-chercheurs,
d'autres ont été ignorées. "En lisant
la Politique, on reste avec l'impression que si ce que l'on fait
comme recherche ne se vend pas, il serait préférable
de faire autre chose, déclare Hugo Asselin, président
de l'AELIES. La Politique prétend couvrir tous les domaines
de recherche, mais il nous apparaît clair que l'argent va
aller vers ce qui se vend bien. La valorisation de la recherche,
c'est un beau mot pour dire commercialisation de la recherche."
En conférence de presse, le ministre Rochon s'est pourtant
dit particulièrement fier de la place que la Politique
accorde aux humanités. "Il y a beaucoup de bonnes
intentions, mais je les reçois avec réserve, dit
Hugo Asselin. Il n'y a pas beaucoup d'engagements chiffrés
dans tout ça. C'est inquiétant pour l'avenir de
la recherche. Mais, la Politique est là et il faudra faire
avec."
|