1 février 2001 |
Une équipe de la Faculté de médecine a
trouvé une façon brillante d'étudier la multiplication
d'un parasite microscopique. Les chercheurs ont intégré,
à son génome, le gène responsable de la luminescence
chez la mouche à feu! Grâce à cette technique,
ils peuvent maintenant estimer dix fois plus rapidement, et avec
plus de précision, le nombre de parasites dans un échantillon
de cellules humaines: leur abondance est directement proportionnelle
à l'intensité de lumière qu'ils émettent!
"Au lieu de compter les parasites au microscope, nous plaçons
des échantillons de cellules sous un luminomètre,
explique Barbara Papadopoulou. On peut ainsi déterminer
quels tissus sont infectés par les parasites que nous étudions
(Leishmania), et surtout estimer leur nombre, en comparant
l'intensité lumineuse mesurée à des courbes
de référence."
La lumière froide produite par les lucioles provient d'une
réaction chimique entre la protéine luciférine
et l'oxygène. Contrôlée par l'enzyme luciférase,
cette réaction conduit à l'émission de photons,
d'où la lumière qui s'en dégage. Au cours
des dernières années, la bioluminescence a été
mise à profit dans des recherches couvrant un vaste éventail
de travaux portant sur le cancer, la fibrose kystique et les maladies
cardiaques. Lors de ces travaux, le gène de la luciférase
a surtout été utilisé comme gène rapporteur
(marqueur), accolé aux gènes étudiés.
La lumière émise permet de "voir" si le
gène étudié a bien été intégré
au génome, et à quel endroit il est exprimé
dans la cellule ou dans les tissus. "Nous sommes cependant
parmi les premiers à utiliser la luciférase de façon
quantitative, estime Barbara Papadopoulou. Notre méthode
améliore la vitesse et la précision des dénombrements
de parasites. Il suffit qu'il y en ait un seul dans une cellule
pour qu'il soit repéré, alors qu'en procédant
par dénombrement "à l'oeil", on peut facilement
en échapper."
Les chercheurs Gaétan Roy, Carole Dumas, Denis Sereno,
Ying Wu, Ajay Singh, Michel J. Tremblay, Marc Ouellette, Martin
Olivier et Barbara Papadopoulou décrivent les détails
de la technique qu'ils ont mise au point, dans un récent
numéro de la revue scientifique Molecular and Biochemical
Parasitology.
Un protozoaire qui peut tuer
Peu connus en Amérique du Nord, les parasites appartenant
au genre Leishmania font d'importants ravages sur les autres
continents où ils sont transmis par la piqûre de
la mouche des sables. Ils se retrouvent surtout dans le bassin
de la Méditerranée, au Moyen-Orient, en Afrique
de l'Est, en Amérique du Sud et en Inde. Un article paru
récemment dans Science fait cependant état
de leur présence chez quelque 2 000 chiens de la région
de New York. "Le chien agirait comme réservoir intermédiaire
du parasite", avance Barbara Papadopoulou.
L'Organisation mondiale de la santé estime qu'environ 500
000 nouveaux cas d'infections causées par ce protozoaire
surviennent chaque année. Au total, 15 millions de personnes
seraient déjà infectées à travers
le monde. Tout comme le virus du sida, ce protozoaire s'attaque
aux cellules du système immunitaire et il peut être
mortel. De nombreux cas de co-infection Leishmania/virus du sida
ont d'ailleurs été rapportés, surtout au
sud de l'Europe. Les outils facilitant l'étude de ce parasite
sont donc très en demande. "Plusieurs chercheurs m'ont
contactée à la suite de la parution de l'article
dans Molecular and Biochemical Parasitology pour obtenir
des précisions sur notre façon d'intégrer
le gène de la luciférase de façon stable
et permanente dans le génome de Leishmania ",
souligne Barbara Papadopoulou.
Les études fondamentales menées par cette chercheure
et par ses collègues du Centre de recherche en infectiologie
pourraient éventuellement conduire à la mise au
point de médicaments plus efficaces pour soigner les leishmanioses.
"Personnellement, je mise surtout sur la mise au point d'un
vaccin, avoue Barbara Papadopoulou. La prévention est préférable
au traitement avec Leishmania parce que c'est un parasite
de pays pauvres, où les gens n'ont pas facilement accès
à des médicaments lorsque l'infection frappe."
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