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25 janvier 2001 ![]() |
"Je me sens tout à fait comme un intermédiaire
entre la Chine et le Canada et mon objectif est de favoriser le
dialogue, la compréhension et les échanges entre
les deux mondes que sont l'Orient et l'Occident."
Shenwen Li, étudiant au postdoctorat à la Faculté
de théologie et des sciences religieuses, dispose de solides
arguments pour appuyer ses dires. Il y a d'abord ses travaux de
recherche qui ont conduit à la soutenance de sa thèse
de doctorat, à Laval en 1998. Celle-ci avait pour titre:
"Étude comparée des stratégies missionnaires
des jésuites français en Chine et en Nouvelle-France
aux 17e et 18e siècles." Ensuite, il a enseigné
l'histoire de la Chine durant deux ans à l'Université
d'Ottawa. Un retour aux sources, en quelque sorte, puisqu'il a
enseigné cette même matière pendant cinq ans
à l'Université de Nankin avant de venir étudier
à Laval en 1992. Enfin, il a donné depuis trois
ans plusieurs conférences sur la culture et l'histoire
de Chine aux Québécois et Québécoises
qui ont adopté des enfants d'origine chinoise.
Une piste originale
Pour sa thèse de doctorat, Shenwen Li a innové
en comparant l'action des jésuites français dans
deux mondes à la fois. Durant la première moitié
du 17e siècle, quelque 60 000 Amérindiens peuplent
l'Est du Canada. À la même époque, la Chine
compte environ 100 millions d'habitants. Les Amérindiens
croient en un monde surnaturel avec lequel ils communiquent au
moyen de prières, de sacrifices et de rêves. Pour
leur part, les Chinois possèdent un système de croyances
basé sur une doctrine morale (confucianisme) et deux doctrines
religieuses (bouddhisme, taoïsme).
Si les jésuites français s'élèvent
contre les moeurs traditionnelles des autochtones de Nouvelle-France,
ils sont admiratifs devant la civilisation chinoise. Ils offrent
des cadeaux très simples aux Amérindiens pour les
attirer (perles de verre, fioles, etc.). Mais une bonne partie
de leurs cadeaux destinés à l'élite chinoise
est constituée d'instruments scientifiques. Un autre moyen
de conversion est l'invocation des miracles. Cette approche est
destinée aux gens du peuple en Chine ainsi qu'aux Amérindiens
dans leur ensemble.
En Nouvelle-France, où les autochtones sont considérés
comme des êtres inférieurs, les jésuites français
cherchent à les "remodeler" avant de les convertir.
Ils donnent une éducation européenne à de
jeunes enfants, ensuite ils tentent de sédentariser des
familles dans un espace limité et surveillé. En
Chine, la situation est tout autre: pour éviter l'étiquette
de "barbares étrangers" qui aurait fait d'eux
des objets de mépris, les jésuites français
apprennent le chinois et adoptent les coutumes du pays.
La promotion d'une doctrine aussi différente que le christianisme
soulève doutes, malentendus, incompréhension et
résistance chez les Amérindiens et les Chinois.
Néanmoins, on estime qu'environ 30 % de la population amérindienne
de l'Est du Canada embrasse la foi chrétienne au 17e siècle.
Au début du siècle suivant, la Chine compte quelque
300 000 convertis. L'étude souligne cependant le caractère
superficiel, donc temporaire, de nombreuses conversions.
Une querelle lourde de conséquences
Plusieurs ordres religieux, provenant de différents
pays européens, forment le contingent missionnaire en Chine.
"Les jésuites français, explique Shenwen Li,
respectent le culte des ancêtres et le fait que les gens
se prosternent devant la statue de Confucius au cours de certaines
fêtes. Mais pour d'autres ordres religieux, comme les dominicains
et les franciscains, il s'agit de superstitions qu'il faut éradiquer.
À la suite de leur insistance, le pape leur donne raison.
Mécontent, l'empereur interdit, en 1717, le christianisme
en Chine."
L'étude conclut à un succès limité
des jésuites français, tant en Nouvelle-France qu'en
Chine. L'auteur souligne toutefois l'importance du rôle
joué par ces religieux comme médiateurs dans l'établissement
de liens entre les cultures française et chinoise et, plus
largement, entre l'Occident et l'Orient.
À Laval, Shenwen Li vient d'entreprendre des études
postdoctorales sur la rencontre du christianisme et du bouddhisme
en Chine aux 16e et 17e siècles. Sa thèse de doctorat
fera cette année l'objet d'une coédition par les
Presses de l'Université Laval et les éditions L'Harmattan,
à Paris.
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