25 janvier 2001 |
Qui n'a pas eu, un jour, à remettre au lendemain ou à
repousser une échéance? Ce phénomène,
pour tout à fait humain qu'il soit, prend parfois des proportions
chroniques et tragiques quand il sévit dans le milieu scolaire,
plus encore, universitaire.
"On a tous tendance, comme êtres humains, à
agir de la sorte devant des tâches qui semblent complexes
ou désagréables. Mais quand un individu reporte
constamment à plus tard et qu'il se place ainsi dans des
conditions pénibles, on peut alors vraiment dire qu'il
y a un problème, qu'il y a procrastination." Anne-Louise
Fournier, psychologue au Service d'orientation et de consultation
psychologique, sait de quoi il retourne: elle se penche sur le
traitement en groupe de la procrastination.
Un phénomène d'évitement
Les scénarios habituels, que la psychologue fait se
dérouler sous nos yeux, nous font voir un procrastinateur
universitaire qui remet un travail à plus tard, quitte
à perdre des points, qui se retrouve la veille d'un examen,
à 2 h 45 du matin, en train d'étudier parce qu'il
n'avait pas encore commencé à le faire, et qui se
crée des situations périlleuses pouvant entraîner,
pour beaucoup, l'abandon de cours... et des échecs.
"Les gens aux prises avec ce genre de problème vivent
un cycle qui se répète toujours, confie Anne-Louise
Fournier. Ils se disent: "Cette fois-ci, je vais m'y mettre".
Ils pensent, ils pensent et ils s'organisent, mais ils ne vont
jamais arriver à démarrer. Ils vont se qualifier
de paresseux, mais ils vivent davantage dans la culpabilité,
la peur. Dans le fond, la procrastination, c'est un phénomène
d'évitement." Et le salut est loin d'être dans
la fuite car, fait remarquer la psychologue, plus ils reportent,
plus cette peur augmente et devient omniprésente.
Une société de la performance
La plupart des étudiants procrastinateurs rencontrés
ont bien réussi à l'école sans avoir à
mettre trop d'efforts, a observé la psychologue. Les premiers
symptômes ayant sans doute commencé à se manifester
au cégep, ces derniers se sentent dépourvus une
fois rentrés à l'université, parce que ce
n'est pas normal pour eux d'investir les efforts requis. Ils s'interrogent
alors sur ce qui cloche, et se demandent s'ils ont perdu leurs
talents.
"J'ai peur qu'on s'en aille vers une société
"procrastinatrice", car celle-ci valorise énormément
LA performance au détriment de l'effort, craint-elle. Dans
le contexte actuel, faire des efforts revient à dire qu'on
n'est pas intelligent, qu'on n'a pas de talent. Voilà pourquoi,
parmi les gens qui ont peur de l'échec, on compte aussi
nombre de perfectionnistes devenus des procrastinateurs qui se
fixent des objectifs irréalistes, beaucoup trop élevés.
En fait, au sein de cette société qui a délaissé
un peu la discipline pour ne pas brimer les gens, encore trop
d'étudiants s'imaginent pouvoir atteindre le succès
sans s'imposer de sacrifices."
Temps et psychologie
Le temps fuit, il fuit très vite pour les procrastinateurs.
"Ce serait toutefois une erreur de vouloir les "traiter"
en abordant uniquement la gestion du temps", déclare
Anne-Louise Fournier.
La recette miracle n'existe pas... comme dans tout traitement
psychologique, d'ailleurs. On doit donc livrer bataille sur deux
fronts à la fois : la gestion du temps (établir
des priorités, des objectifs réalistes, apprendre
à planifier) et les facteurs psychologiques (perfectionnisme,
peur de l'échec, des contraintes, du contrôle, etc.).
"Et souvent, derrière, apparaît un problème
de confiance en soi. La procrastination, c'est le symptôme
d'un malaise, de quelque chose de plus important", rajoute
la professionnelle du Service d'orientation et de consultation
psychologique.
Le cadre de la "thérapie" que l'on privilégie
: d'abord les entrevues individuelles, puis, pour ceux et celles
qui le désirent, le traitement en groupe, au début
de chaque session, au sein duquel les étudiants s'appuient,
se donnent des trucs... et s'aperçoivent qu'ils ne sont
pas seuls à vivre ce problème.
La procrastination, quand on lit la littérature sur le
sujet, est probablement le problème scolaire le plus difficile
à résoudre. "On essaie toujours de trouver
les solutions les plus efficaces, explique la psychologue. On
ne parle pas de réussite en termes de guérison totale,
mais de progrès, d'amélioration, de "conscientisation".
Notre but, ce n'est pas tant de les guérir que de les mieux
outiller pour que, lorsqu'ils seront confrontés à
une situation problématique, ils soient capables de surmonter
cette difficulté."
Les étudiants et les étudiantes désirant
prendre en main leur problème de procrastination peuvent
s'inscrire, d'ici au 29 janvier, à un atelier de groupe,
intitulé: "La procrastination : comment ne pas remettre
à plus tard", qui sera donné les jeudis après-midi,
de 14 h à 16 h 30, à partir du 1er février.
Il s'agit d'une série de cinq rencontres au cours desquelles
des stratégies de gestion du temps et de mise à
la tâche seront proposées aux étudiants et
aux étudiantes pour les aider à cesser de se sentir
coupables, d'être insatisfaits et d'être toujours
à la dernière minute ou en retard. On peut s'informer
et s'inscrire au Service d'orientation et de consultation psychologique,
2121, pavillon Maurice-Pollack, 656-7987.
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