25 janvier 2001 |
Confronté à l'insuccès des moyens utilisés
pour diminuer la population de phoques du Groenland ainsi qu'à
la pénurie de poissons de fond qui perdure dans l'Est du
Canada, le ministre des Pêches et des Océans, Herb
Dhaliwal, a annoncé, le 20 décembre, que le quota
de captures autorisées en 2001 pour les phoques demeurera
identique à ce qu'il est depuis trois ans. En effet, le
ministre a préféré attendre les recommandations
d'un groupe d'experts qui prépare "une nouvelle stratégie
de gestion à long terme des populations de phoques",
avant de prendre une décision quant à l'avenir de
ces sympathiques, mais gourmands pinnipèdes. "Si on
souhaite sérieusement rétablir les populations de
poisson de fond comme la morue, il faut diminuer substantiellement
le nombre de phoques du Groenland dans le golfe Saint-Laurent",
estime pour sa part Louis Fortier, directeur du Groupe interuniversitaire
de recherches océanographiques du Québec (GIROQ)
et spécialiste du recrutement chez les poissons marins.
Depuis 1997, Pêches et Océans autorise la capture
de 275 000 phoques du Groenland, chaque année. Dans les
faits, cependant, la récolte atteint à peine le
tiers de ce quota, en raison de l'absence de marché pour
les produits dérivés du phoque. Un inventaire effectué
en 1999 indique que cette espèce, qui se maintient à
des niveaux records depuis les années 1970, compterait
maintenant 5,2 millions de spécimens, soit trois fois plus
qu'il y a 30 ans. "Ce ne sont pas les phoques qui ont provoqué
l'effondrement des stocks de poisson de fond, reconnaît
Louis Fortier, mais il se peut que ce soient eux qui en empêchent
le rétablissement."
Poisson de fond du baril
Un récent rapport du Conseil pour la conservation des
ressources halieutiques indique qu'il n'y a pas eu de rétablissement
chez les espèces de poissons de fond, notamment la morue,
et que le ministère a réouvert prématurément
des zones de pêche. Au début des années 1990,
les mauvaises conditions climatiques ont joué contre la
croissance des stocks de poisson, signale le directeur du GIROQ.
"Depuis quelques années, les conditions sont plus
clémentes, les géniteurs sont en bonne santé,
il y a beaucoup de larves, les juvéniles sont nombreux,
mais voilà, ils ne se manifestent pas dans le groupe des
poissons adultes. Où disparaissent-ils? Dans l'estomac
des phoques, selon toute vraisemblance."
Un phoque consomme environ 1 tonne métrique de poisson
par année. Environ 6 % de ce volume est constitué
de poisson de fond, ce qui fait 60 kg par phoque. "Ça
peut sembler peu, mais extrapolé à 5,2 millions
de bêtes, ça ne laisse pas une grosse marge de manoeuvre
pour un accroissement de population", estime Louis Fortier.
Comme le phoque n'a pas d'ennemis naturels dans le golfe, la réduction
de sa population passe forcément par une plus grande récolte
par l'homme, poursuit le chercheur. Combien faudrait-il en prélever
pour produire un effet positif sur les stocks de poisson? "Il
faudrait d'abord améliorer nos estimés de consommation
de poisson par le phoque et, par la suite, y aller "raide".
On n'arrivera à rien en réduisant la population
de phoques de 5 %. Je ne veux pas avancer de chiffre précis,
mais disons qu'il faudrait ramener la population de phoques à
ce qu'elle était au début des années 1960
- 1970, lorsque les stocks de poissons était bien portants."
Selon les estimés de Pêches et Océans Canada,
la population de phoques ne dépassait pas 2 millions à
cette époque. "Le problème, reconnaît
Louis Fortier, c'est qu'en adoptant un tel programme de réduction
des effectifs de phoques, le ministre se dirige directement vers
une confrontation ouverte avec tous les Greenpeace et Brigitte
Bardot de ce monde."
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