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25 janvier 2001 ![]() |
Perdre des kilos en trop ne serait pas toujours un gage de
meilleure santé. En effet, une équipe de chercheurs
de la Faculté de médecine et de la Faculté
des sciences de l'agriculture et de l'alimentation vient de démontrer
qu'un régime amaigrissant pouvait provoquer un accroissement
allant jusqu'à 30 % des concentrations sanguines de pesticides
et de BPC. Ces polluants sont normalement stockés dans
les réserves adipeuses de l'organisme, mais ils sont libérés
dans la circulation sanguine lorsqu'une personne soumise à
un régime amaigrissant métabolise ses réserves
de gras.
Ce phénomène, préalablement étudié
chez des animaux de laboratoire, vient d'être démontré
rigoureusement pour la première fois chez l'être
humain par une équipe formée de Jonathan Chevrier,
Éric Dewailly, Pierre Ayotte, Pascale Mauriège,
Jean-Pierre Després et Angelo Tremblay. Les chercheurs
livrent les détails de cette découverte dans un
récent numéro de l'International Journal of Obesity.
Risques de cancer?
Les chercheurs ont mesuré les concentrations de différents
BPC et pesticides organochlorés chez 39 personnes obèses,
avant et après les avoir soumises à un régime
amaigrissant de 15 semaines. Leurs analyses révèlent
une hausse des concentrations sanguines des 19 produits étudiés.
Plus forte était la perte de poids, plus grande était
la hausse des taux de polluants. En moyenne, les sujets avaient
perdu 9,5 kg pendant les 15 semaines de ce régime. L'augmentation
des concentrations sanguines des produits organochlorés
s'est maintenue pendant le suivi de 18 semaines au cours desquelles
les sujets étaient soumis à un régime faible
en gras combiné à un programme d'exercices.
Les échantillons de tissus adipeux prélevés
par biopsie dans l'abdomen et dans la cuisse des sujets ont conduit
aux mêmes résultats qu'avec les prélèvements
sanguins. "Les taux augmentent parce que la quantité
de gras corporel diminue et que notre corps élimine très
difficilement les produits organochlorés, explique Angelo
Tremblay. Leur demi-vie dans l'organisme est de plusieurs décennies.
Le mécanisme d'élimination le plus efficace est,
malheureusement, l'allaitement naturel."
La litanie de problèmes causés par l'obésité
est bien connue: maladies cardio-vasculaires, hypertension, diabète,
etc. Mais, les résultats obtenus par les chercheurs de
Laval indiquent qu'une diminution des réserves de graisses
pourrait également engendrer des risques pour la santé.
"Des chercheurs ont déjà relevé un lien
entre la perte de poids et un affaiblissement du système
immunitaire, signale Angelo Tremblay. D'autres ont même
avancé que le risque de mortalité augmentait chez
les personnes qui avaient récemment perdu du poids. La
hausse de concentrations des polluants organochlorés que
nous avons observée expliquerait peut-être cette
mortalité accrue", avance le chercheur.
"Il faut oublier le rêve de la minceur et viser plutôt une amélioration du profil de santé. Les effets négatifs du largage des produits organochlorés constituent un élément de plus dont il faut tenir compte."
Les organochlorés (dont le mirex, le DDT, le dieldrin et l'hexachlorobenzène) comprennent plus de 15 000 produits chimiques, dont les 209 congénères de BPC. Ils sont très persistants dans l'environnement et ils se concentrent dans les graisses animales au fur et à mesure qu'on monte dans la chaîne alimentaire. Ces produits interfèrent avec les hormones et leur potentiel cancérigène est bien documenté.
Que faire?
Le chercheur hésite quand on lui demande si les risques
causés par le largage, dans la circulation sanguine, de
polluants immobilisés dans les graisses surpasse les bénéfices
associés à une perte de poids. "Nous ne savons
pas encore précisément ce qu'il advient des polluants
remis en circulation, signale Angelo Tremblay. Chose certaine,
s'ils allaient se loger dans des organes vitaux, ce ne serait
pas une bonne nouvelle. Dans pareille éventualité,
il serait préférable qu'ils demeurent dans les cellules
adipeuses."
Alors, faut-il ou non se débarrasser des kilos en trop?
"Il faut caractériser le profil physiologique et nutritionnel
de la personne qui souhaite perdre du poids, non seulement pour
mieux la traiter, mais aussi pour reconnaître le développement
d'un état de vulnérabilité qui, à
long terme, peut avoir un impact négatif qui surpasse les
bénéfices immédiats de la perte de poids.
Il faut oublier le rêve de la minceur et viser plutôt
une amélioration du profil de santé. Les effets
négatifs du largage des produits organochlorés constituent
un élément de plus dont il faut tenir compte."
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